Amendements Bloche : l'espoir d'un Internet démocratique
Communiqué de presse d'IRIS - 18 mai 1999
Les deux amendements déposés le 18 mai 1999 par le député Patrick Bloche marquent un tournant dans l'histoire de l'Internet français. Les parlementaires ont ainsi pour la première fois l'occasion de garantir l'exercice de la démocratie et des libertés sur Internet par tous les citoyens.
Ces deux amendements visent à compléter le projet de loi du gouvernement ayant pour objet de modifier la loi relative à la liberté de communication. Ce projet de loi porte sur le secteur public de la communication audiovisuelle.
Le premier amendement vise à supprimer la nécessité de déclaration préalable pour les services de communication par réseau, et notamment Internet.
IRIS soutient cet amendement, et espère le voir voter par les parlementaires. Il s'agit par ailleurs d'une disposition souhaitée par IRIS dans son rapport d'octobre 1997, et préconisée par le rapport du Conseil d'État publié en septembre 1998. Cette disposition, si elle est inscrite dans la loi, aura pour conséquence d'affirmer la spécificité de la communication utilisant Internet par rapport à la communication audiovisuelle. On peut espérer qu'elle écartera également toute velléité d'extension de la compétence du CSA à Internet.
Le deuxième amendement vise à réglementer la responsabilité des fournisseurs Internet. Il est composé de trois articles, 43-1, 43-2 et 43-3.
L'article 43-1 reprend le seul article non censuré par le Conseil constitutionnel de l'amendement Fillon à la loi de réglementation des télécommunications (juillet 1996). IRIS regrette que cet article ne précise pas explicitement que les moyens de filtrage d'information doivent être mis à disposition de l'utilisateur final, qui pourra en user s'il le souhaite. Ainsi rédigée, cette disposition ne permet pas le recours contre des utilisations imposées, et sans mise en garde, de logiciels de filtrage. Par ailleurs, comme dans le cas du défunt amendement Fillon, il n'est toujours prévu aucune sanction au non respect de cet article. On peut donc s'interroger sur son utilité, tout en relevant ses dangers potentiels.
Mais c'est l'article 43-2, réglementant la responsabilité des fournisseurs Internet, qui risque de faire date. Cet article reconnaît aux fournisseurs Internet un statut qui les protège, en même temps qu'il protège les droits des citoyens utilisateurs de ces services. Il retire de fait toute responsabilité éditoriale aux fournisseurs, lorsque leur rôle se limite à l'intermédiation technique.
L'article 43-2 est ainsi rédigé dans la version définitive de l'amendement :
« Art. 43-2. - Les personnes physiques ou morales qui assurent, directement ou indirectement, à titre gratuit ou onéreux, l'accès à des services en ligne autres que de correspondance privée ou le stockage pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services, ne sont responsables des atteintes aux droits des tiers résultant du contenu de ces services que :
- si elles ont elles-mêmes contribué à la création ou à la production de ce contenu ;
- ou si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu, sous réserve qu'elles en assurent directement le stockage. »« [A]yant été saisies par une autorité judiciaire » : quelques mots qui changent tout, et qui garantissent le respect de l'état de droit. Ils impliquent que les auteurs de contenus doivent, seuls, assumer la responsabilité de leur communication publique. Il impliquent aussi qu'en cas de plainte, leur droit à un procès contradictoire et susceptible d'appel est garanti. Ils impliquent enfin que tout risque de « justice privée », transformant le fournisseur en censeur, est écarté. Ils impliquent surtout que la communication sur Internet garantit l'égalité de tous, condition nécessaire du développement de l'Internet non marchand.
L'article 43-3 vient compléter le 43-2, en assignant aux fournisseurs d'hébergement l'obligation d'aider à l'identification des auteurs d'infraction, toujours sur requête de l'autorité judiciaire. Il s'agit là de la contre-partie nécessaire à la limitation de leur responsabilité et à leur protection vis-à-vis de faits commis par autrui. Là encore, l'amendement Bloche reconnaît l'existence de la possibilité d'identifier les auteurs de contenus, en utilisant les informations techniques dont le fournisseur dispose, sans exiger des dispositions nouvelles d'identification qui pourraient porter atteinte à la vie privée.
Si les parlementaires adoptent ces amendements, ils feront de la France le premier pays en Europe et dans le monde à opter résolument pour la démocratie et le respect des libertés individuelles et publiques sur Internet, sans pour autant empêcher que chacun assume les responsabilités de ses actes et de son expression publique.
Plusieurs versions préliminaires de ces amendements ont circulé depuis le 13 mai 1999. Ces premières moutures présentaient des risques importants de dérives. Alertée depuis cette date, l'association IRIS a préféré le dialogue et l'argumentation directs aux interventions publiques hâtives et mal fondées. IRIS se félicite d'avoir trouvé, dans ces conditions, une écoute attentive et dénuée d'a priori aux positions que l'association défend depuis sa création en 1997.
Nous restons toutefois conscients que rien n'est encore gagné, et nous demeurons mobilisés pour exposer notre argumentaire et diffuser nos propositions. Le débat public ne fait que commencer, mais il est enfin posé dans les termes les plus honnêtes.
Le texte des deux amendements est disponible sur le site du député Patrick Bloche.
Pour plus de détails sur la position d'IRIS au sujet de la responsabilité des fournisseurs Internet, voir notre dossier sur cette question, et plus particulièrement :
- le communiqué de presse en date du 15 février 1999, signé par quelques 200 associations, groupes politiques, et syndicats : http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-alternb0299.html
- l'article intitulé « Altern ou la double injustice », paru dans la rubrique « Débats » du journal Libération, en date du 5 mars 1999 : http://www.liberation.com/quotidien/debats/mars99/990305d.html
- le rapport d'octobre 1997, intitulé « Libertés individuelles et libertés publiques sur Internet (droits et responsabilités, protection des données personnelles, protection de la vie privée) » : http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-ce/index.html
Contact IRIS :
Meryem Marzouki (Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org) - Tél : 0144749239, ou
François Sauterey (Francois.Sauterey@iris.sgdg.org)
NB. Une coquille nous avait fait écrire « infraction » au lieu de « sanction » dans le paragraphe commentant l'article 43-1. Nous nous en excusons auprès de ceux qui ont reçu cette version non corrigée par courrier électronique.