1. Assurer la liberté des communications en ligne, en clarifiant les droits et responsabilités de chacun1.1. Les communications en ligne sont libres(R-IRIS-1) 1.1.a.- Confirmer la suppression de la nécessité de déclaration préalable des sites auprès du CSA (abrogation de l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986).
(R-IRIS-2) 1.1.b.- Reconnaître explicitement que la communication publique via le réseau Internet ne peut être réglementée de la même façon que la communication audiovisuelle « classique », dans la mesure où tout citoyen ou organisme public ou privé peut y produire de l'information, où la consultation d'un site est un acte particulièrement volontaire par la succession d'opérations elles-mêmes volontaires qu'il implique, où le nombre de sites disponibles est quasi-illimité et où la communication n'a pas l'impact des media de masse que sont la radio et surtout la télévision. Affirmer par voie de conséquence que la régulation des contenus publiquement accessibles sur Internet doit rester soumise au droit commun, qui garantit la liberté d'expression et en énumère précisément et limitativement les abus potentiels. [cf. Note 11b]
1.2. Clarifier les responsabilités des acteurs : éditeurs, intermédiaires techniques
(R-IRIS-3) 1.2.a.- Limiter l'engagement de la responsabilité civile ou pénale des intermédiaires techniques d'accès, de transport, de stockage temporaire ou d'hébergement aux cas où ils ont effectivement participé à la création du contenu hébergé, et en deviennent de ce fait éditeurs (auteurs) ou co-éditeurs (co-auteurs). [cf. Note 12a]
(R-IRIS-4) 1.2.b.- Soumettre la suppression de l'accès à un contenu par l'intermédiaire technique d'accès, de transport, de stockage temporaire ou d'hébergement à la seule requête de l'autorité judiciaire, dans les cas appropriés et autorisés par le droit commun. [cf. Note 12b]
(R-IRIS-5) 1.2.c.- Soumettre l'activité de l'intermédiaire technique d'accès, de transport, de stockage temporaire ou d'hébergement au secret professionnel. Cet intermédiaire ne doit être tenu de communiquer les éléments d'identification des utilisateurs de ses services qu'à la seule requête de l'autorité judiciaire, dans les cas appropriés et autorisés par le droit commun. [cf. Note 12c]
1.3. Assurer la régulation des contenus
Responsabilisation volontaire des acteurs
(R-IRIS-6) 1.3.a.- Renoncer à toute tentative d'autorégulation, de corégulation ou de régulation des contenus sur Internet par un organisme ou une autorité spécifique. Un tel organisme serait forcément juge et partie, et dominé par le poids des sociétés commerciales. Son existence instaurerait un régime d'exception au droit commun pour Internet, puisque ses décisions auraient vocation à s'appliquer à tout citoyen ou organisme public ou privé, se substituant ainsi de fait à l'autorité judiciaire et réglementaire.
(R-IRIS-7) 1.3.b.- Favoriser la médiation pour la résolution amiable de petits conflits ou litiges entre parties privées consentantes, par le soutien à la mise en place de structures légères spécialisées et interdisciplinaires, composées de juristes et de non juristes. Celles-ci pourront s'inspirer du statut et du fonctionnement de structures existantes, oeuvrant par exemple pour la médiation familiale ou sociale, voire pour la médiation pénale.
(R-IRIS-8) 1.3.c.- Simplifier la plainte et la saisine des tribunaux, lorsqu'elles s'avèrent nécessaires, par la mise en place de « cyber-greffe » des tribunaux. Les nouvelles dispositions sur la preuve et la signature électronique permettront une telle simplification de la procédure. [cf. Note 13c]
(R-IRIS-9) 1.3.d.- Mettre en place un site portail officiel d'information, sous la responsabilité du comité interministériel pour la société de l'information, afin de favoriser la connaissance par les acteurs et par tous les citoyens de la législation, de la réglementation et de la jurisprudence relative à Internet.
Labelliser les sites pour la protection des publics
(R-IRIS-10) 1.3.e.- Reconnaître que la labellisation des contenus ne peut se faire que sur des critères subjectifs et très variables : cultures, convictions religieuses ou philosophiques, opinions politiques, choix de vie, etc. Reconnaître par voie de conséquence que le filtrage associé à une labellisation donnée ne doit pas empêcher l'accès aux contenus par des publics non concernés. En déduire naturellement qu'un éventuel filtrage ne doit pas être effectué à un autre niveau que celui de l'utilisateur final, et doit rester de ce fait de la seule et entière responsabilité des tuteurs (parents, éducateurs, etc.) des publics mineurs à protéger le cas échéant. [cf. Note 13e]
(R-IRIS-11) 1.3.f.- Favoriser la labellisation volontaire et positive des contenus, si on estime nécessaire que la labellisation existe. Le label doit permettre la recommandation d'un site par des institutions ou associations identifiées (associations parentales, culturelles, éducatives, cultuelles, etc.). Toute relation, notamment commerciale ou d'affiliation, d'une institution ou association avec les éditeurs de sites qu'elle recommande doit être indiquée en toute transparence. Un label ne doit pas signifier un étiquetage du site, mais la recommandation de ce site par un ou plusieurs organismes quelconques. Un label est par conséquent associé à l'organisme qui le décerne et non au site qui en bénéficie (exemple d'étiquette : « site recommandé par ... »). Le site concerné doit rester libre d'afficher ce label ou de l'ignorer.
1.4. Adapter le régime de la propriété intellectuelle aux spécificités de la diffusion numérique et en ligne
(R-IRIS-12) 1.4.a.- Maintenir la spécificité du droit d'auteur, et sa garantie pour les créateurs d'oeuvres de l'esprit. Le droit moral de l'auteur sur l'utilisation de son oeuvre doit continuer d'être protégé. Sous cette réserve, le droit patrimonial devrait être adapté pour permettre l'utilisation restreinte et à but non commercial de tout ou partie d'une oeuvre, à des fins d'éducation ou de recherche, avec mention de l'auteur (notion de « fair use »). Il convient également de réfléchir à une restriction raisonnable de la durée du droit patrimonial, lorsque cette durée empêche la mise à disposition du public de certaines oeuvres (cas des oeuvres devenues indisponibles sur support papier, par exemple après épuisement des stocks et absence de réédition).
Titularité et dévolution des droits
(R-IRIS-13) 1.4.b.- Élargir la réflexion menée sur la notion d'oeuvre collective et sur les conditions de dévolution des droits dans un cadre contractuel aux oeuvres et productions issues du secteur de l'éducation et de la recherche. Il devient en effet urgent de se préoccuper de la situation des productions issues de la recherche universitaire, dont les co-auteurs et co-inventeurs ont des statuts très divers : personnels permanents salariés de la fonction publique, personnels temporaires salariés du secteur public ou privé (notamment post-doctorants ou doctorants), doctorants allocataires de recherche, voire doctorants non rémunérés dans certains cas. [cf. Note 14b]
Brevetabilité des logiciels
(R-IRIS-14) 1.4.c.- Poursuivre le processus de diffusion libre et gratuite des données publiques, et la mise à disposition de téléprocédures. Les rapports annuels d'institutions publiques, dont les autorités indépendantes, les procès verbaux de toutes les assemblées et conseils, les textes des appels d'offre et des contrats publics devraient ainsi être disponibles sur Internet, à tous les échelons d'organisation de l'État, du niveau communal aux niveaux national et européen.
(R-IRIS-15) 1.4.d.- Réaffirmer que les logiciels et méthodes informatiques sont des oeuvres de l'esprit, et non des inventions ou procédés techniques susceptibles d'être brevetés. En tant qu'oeuvres de l'esprit, les logiciels et méthodes informatiques doivent rester sous le régime du droit d'auteur. Maintenir cette protection dans la Convention de Munich. [cf. Note 14d]
(R-IRIS-16) 1.4.e.- Inscrire la formation aux logiciels libres existants dans tout cursus de formation informatique (y compris formation continue et formation de formateurs), chaque fois que des logiciels propriétaires sont au programme.
(R-IRIS-17) 1.4.f.- Encourager l'utilisation des logiciels libres et des formats d'échange de données non propriétaires. Dans le secteur public, notamment l'administration et les collectivités locales, poursuivre le travail entamé avec la circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites Internet des services et établissements publics et renforcer le rôle de la Mission interministérielle pour les technologies de l'information et de la communication (MTIC). Il serait en revanche inefficace et inutile de légiférer sur cette question, alors même que trop peu de logiciels libres sont encore disponibles, et que la formation à l'utilisation de tels logiciels n'est pas généralisée. Légiférer unilatéralement en l'état actuel des choses serait une opération démagogique. Il serait plus opportun que la MTIC réfléchisse à un ensemble de logiciels utiles pour l'administration, puis organise et diffuse cet ensemble et mette en place la formation nécessaire pour les agents administratifs, afin que ceux-ci s'approprient ces outils pour un travail plus efficace. Par ailleurs, légiférer de façon aussi soudaine pourrait involontairement favoriser quelques intérêts privés nouvellement créés, qui commencent tout à fait opportunément à se positionner sur ce créneau très particulier, et aurait pour conséquence de transformer l'administration et les collectivités territoriales en un marché captif. Favoriser une telle situation serait particulièrement nuisible à l'intérêt général.
(R-IRIS-18) 1.4.g.- Promouvoir, accompagner et diversifier la production de logiciels libres issus de la recherche publique. Plusieurs mesures peuvent être mises en place, à peu de frais, pour reconnaître et légitimer ce mode de valorisation de la recherche et pour favoriser la création d'entreprises innovantes par transfert technologique. La définition d'une licence spécifique d'utilisation des résultats de la recherche publique, couplée à la création d'une agence de diffusion libre de la recherche publique, permettrait à la fois la diffusion libre (au sens des logiciels libres) et une rétribution légitime pour les bénéficiaires des droits patrimoniaux (les instituts d'enseignement et de recherche de tutelle ayant consenti des investissements lourds sur crédits publics) lorsque l'utilisation donne lieu à une commercialisation. Cette agence de diffusion libre de la recherche publique permettrait également d'organiser les relations entre universités et jeunes entreprises innovantes, pour le transfert d'avancées technologiques ultérieures, tout en maintenant chaque acteur dans son rôle. [cf. Note 14g]
Exceptions au droit d'auteur
(R-IRIS-19) 1.4.h.- Reconnaître la notion de « fair use » et en préciser l'application dans le cadre d'une utilisation non commerciale (cf. 1.4.a.).
(R-IRIS-20) 1.4.i.- Exclure la copie technique (copie volatile et copie cache) du champ d'application des droits d'auteurs et des droits voisins, tout en sanctionnant les éventuels abus. La copie technique est en général un processus automatique, de durée variable mais toujours transitoire (effacement périodique, en général automatique, du contenu du cache).
(R-IRIS-21) 1.4.j.- Limiter l'extension du prélèvement sur les supports vierges pour la rétribution de la copie privée, dans un but de démocratisation de l'usage du réseau. Préférer la mise en place d'autres moyens de rétribution, par exemple le prélèvement d'une taxe raisonnable sur les recettes de la publicité en ligne, dans la mesure où celles-ci bénéficient de la consultation du contenu rédactionnel.
1.5. Clarifier la gestion des noms de domaine sur l'internet
(R-IRIS-22) 1.5.a.- Veiller, lors des négociations internationales, à ce que l'ICANN, organisme privé, ne se substitue pas à des institutions internationales existantes dont la légitimité est mieux assurée et l'action plus contrôlable (organismes intergouvernementaux). Veiller en particulier à limiter les visées de l'ICANN à la stricte gestion technique des noms de domaines d'une part, et à la transparence du fonctionnement de cet organisme d'autre part. Éviter que l'ICANN ne devienne à la fois juge et partie, en s'appropriant par exemple la question du règlement des différends. [cf. Note 15a]
(R-IRIS-23) 1.5.b.- Assurer la transparence de la gestion des noms de domaines, au moins au niveau français. Supprimer l'obligation de recourir à des intermédiaires pour l'enregistrement des noms de domaines dans le ccTLD .fr (actuellement les « fournisseurs agréés par l'AFNIC »). Dégrouper le prix de l'attribution du nom de domaine et le coût facturé par les « fournisseurs agréés par l'AFNIC » à leurs clients, lorsqu'ils effectuent la demande en leur nom. Ce dernier coût doit uniquement représenter le coût du service d'intermédiation proposé par n'importe quel fournisseur à son client, dans les cas où ce service est sollicité par le client et donne lieu à facturation par le fournisseur.
(R-IRIS-24) 1.5.c.- Mettre en place un service public d'enregistrement des noms de domaine, dont l'opérateur sera l'organisme de gestion des ccTLD relevant de la France. Les missions de cet organisme devront lui imposer l'attribution, directe et simplifiée par des téléprocédures automatiques, de noms de domaines dans les ccTLD de sa compétence et dans les gTLD autorisés (notamment .com, .org et .net), en suivant la règle commune du « premier arrivé premier servi » dans ce dernier cas. Le prix du nom de domaine dans le cadre de ce service public devra être le prix coûtant (somme reversée à l'organisme gérant la base internationale des noms de domaine) pour les demandes individuelles et celles de groupements à but non lucratif. La péréquation tarifaire pour couvrir les coûts du service sera assurée d'une part par des subventions publiques, notamment en termes de détachement de personnels, et d'autre part par une surtaxe raisonnable pour l'attribution de noms de domaines aux groupements à but lucratif. La mise en place de ce service public est une condition nécessaire à la meilleure visibilité de l'Internet francophone, et une garantie importante de limitation des spéculations de toutes sortes sur les noms de domaine.
1.6. Veiller à la protection des données à caractère personnel
N.B. Des recommandations plus spécifiques sur la protection des données à caractère personnel seront diffusées ultérieurement, en tant que résultats des travaux de l'Intercollectif pour les droits des citoyens face à l'informatisation, dont IRIS est membre. Par ailleurs, d'autres recommandations d'IRIS ayant trait à la protection des données personnelles sont développées dans le cadre de la section 3 de ce document (Veiller à la sécurité et à la loyauté des transactions en ligne).