IV. Une alternative démocratique à la corégulation existeLe dispositif exposé dans cette section présente une alternative à la corégulation. Cette alternative, proposée par Iris depuis sa création, est viable, et mérite d'être examinée et éprouvée. Cette alternative est cohérente avec de nombreux aspects de la réforme de la Justice, adoptés par le Parlement. Elle est aussi cohérente avec l'évolution de l'usage d'Internet en France. Elle ne s'oppose en rien aux dispositions de la Directive européenne sur le Commerce électronique en cours de discussion. Elle présente le double avantage de ne rien figer, et de se contenter d'étendre efficacement à Internet des dispositions démocratiquement adoptées et socialement acceptées.
IV.1. Accès au droit par l'information et la médiation
La loi n°98-1163 du 18 décembre 1998 a mis en place ou renforcé plusieurs mesures pour l'accès au droit et la résolution amiable des conflits. Parmi ces mesures, celles concernant les maisons de la justice et du droit (MJD), la résolution amiable de conflits et l'aide à la médiation pénale sont du plus grand intérêt. Ce volet de la réforme de la Justice (http://www.justice.gouv.fr/justicef/journass.htm) n'est curieusement jamais évoqué lorsqu'il est question d'Internet.
Iris préconise l'application de la loi du 18 décembre 1998 aux conflits survenant sur Internet, en particulier par la mise en place de « cyber-MJD », ayant un rôle d'information, de prévention, et de médiation pour la résolution amiable des conflits entre parties privées.Ces « cyber-MJD » pourraient être des antennes spécialisées dans les conflits survenant sur Internet, au sein d'une MJD implantée localement, ou encore des MJD fonctionnant essentiellement par voie électronique, et spécialisées dans certains types de conflits (noms de domaine, propriété intellectuelle, droit à l'image et à la vie privée, ...). Les deux possibilités ne sont pas exclusives, et peuvent être accompagnées de l'existence d'un site portail officiel d'information juridique pour Internet.
Il importe par dessus tout qu'il existe plusieurs lieux possibles de médiation, et non un centre unique. En effet, la centralisation d'une telle activité (suggérée par exemple pour l'organisme de corégulation) entraînerait forcément une dérive de la médiation vers l'arbitrage, voire vers la décision sans recours. Par ailleurs, l'aspect justice de proximité est renforcé par l'existence de plusieurs centres de médiation. Enfin, il importe que la composition d'une « cyber-MJD » comprenne des acteurs sociaux variés. Iris a mené une expérience de médiation, dont les résultats et l'analyse sont présentés en annexe 1 de ce document.
Ce dispositif pourra être accompagné de l'extension de la médiation pénale à des petits conflits survenant sur Internet. L'étendue du champ de cette extension reste à étudier.
Iris préconise le retour aux dispositions sur la responsabilité des fournisseurs d'accès, de service et d'hébergement à Internet adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, et leur adoption définitive en les étendant à la responsabilité pénale.Cette première version de l'amendement Bloche (adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 27 mai 1999), permet de s'affranchir de cette mission de l'organisme de corégulation. Puisque les fournisseurs ne pourraient être saisis que par l'autorité judiciaire, ils seraient ainsi protégés de fait, de même que les citoyens seraient également protégés de tout abus de la part du fournisseur. En conséquence, les conflits, civils ou pénaux, ne mettraient plus en cause ces tiers que sont les fournisseurs lorsqu'ils se contentent de jouer leur rôle d'intermédiation technique. On trouvera plus de détail dans les communiqués de presse d'Iris relatifs aux différentes étapes d'examen de la loi sur la liberté de communication (http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm).
Toutefois, il est important de répondre à l'argument légitimement objecté de la difficulté pratique actuelle du recours aux tribunaux dans bien des cas, pour des raisons de coût, de lenteur et de difficulté de la procédure. De plus, il n'est pas souhaitable d'encourager une dérive de notre société vers une « judiciarisation » excessive, comme on peut l'observer aux États-Unis par exemple.
Dans ce contexte, Iris préconise la mise en place de « cyber-greffes » des tribunaux, qui recevraient les plaintes et les orienteraient rapidement (exemple typique : le référé). Les « cyber-greffes » pourront s'articuler avec les « cyber-MJD ».En effet, au fur et à mesure de l'extension de l'usage d'Internet dans la société, il est probable que la population s'adressera en priorité aux « cyber-MJD », qui pourront éventuellement conseiller le recours à la plainte via le « cyber-greffe », lorsque la médiation est impossible ou que la plainte n'est pas de leur ressort.
Iris préconise donc la mise en place d'une « PJ-hot-line », afin que des cas graves, d'ordre pénal, puissent être signalés, et une enquête diligentée. Il convient de prévoir des sanctions en cas d'abus ou de malveillances, afin que ce dispositif ne favorise pas un climat de délation.Un tel dispositif permet de répondre à une légitime nécessité, tout en évitant toute dérive vers la constitution d'une police et d'une justice privées.
Iris préconise donc de conserver ce principe démocratique de la séparation des pouvoirs et des autorités, en laissant chacun jouer pleinement et démocratiquement son rôle.
Iris propose la création d'une mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET). Chargée d'organiser la concertation périodique entre tous, cette mission veillerait également à la mise en place de mesures comme celles suggérées ici : cyber-MJD, cyber-greffes, PJ-hot-line, en liaison avec le Parlement et les ministères concernés, ainsi que les acteurs sociaux et économiques.
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