II. Introduction

La corégulation est en bonne voie d'intronisation en tant que « concept du siècle », talonnée par la gouvernance. Isabelle Falque Pierrotin, principale rédactrice du rapport du Conseil d'État sur Internet et les réseaux numériques (http://www.internet.gouv.fr/francais/textesref/rapce98/accueil.htm), nous présente la corégulation d'Internet comme une idée neuve, savant compromis entre un « trop d'État » qui tuerait l'État, et un « trop de liberté » qui tuerait la liberté (Le Monde du 27 novembre 1999).

L'idée est pourtant loin d'être neuve, puisqu'on peut la reconnaître par exemple dans le mode de régulation des marchés financiers ou encore de l'investissement et du commerce internationaux. Elle est un signe patent de cette « nouvelle constitution libérale », dont le journaliste Pascal Riché indique qu'« elle remplace peu à peu l'État par le droit, l'intervention politique par la « régulation », le gouvernement par la gouvernance » (Libération du 12 octobre 1999). La corégulation accompagne cette approche libérale pour mieux réduire le rôle du politique. Elle est d'ailleurs soutenue au niveau européen, notamment par Erkki Liikanen, commissaire chargé des entreprises et de la société de l'information, qui souhaite limiter l'intervention des États à la protection du copyright ou aux questions de responsabilité pénale, pour laisser principalement l'industrie définir les modes de régulation d'Internet. La corégulation est aussi l'approche prônée par les États-Unis, et prévaut dans des enceintes internationales comme l'OCDE.

Proposé pour la première fois en France en 1998 dans un rapport du Conseil d'État, l'organisme de corégulation d'Internet est très vite retenu par le Premier ministre, pour être mentionné dans le document d'orientation du gouvernement à propos de la future « loi sur la société de l'information ». Ce document, dont, sauf autrement mentionné, sont extraites toutes nos citations à propos des prérogatives de l'organisme, présuppose l'existence de cette instance et en fait la pierre angulaire de nombreuses dispositions importantes de la future loi sur la société de l'information. Une mission de préfiguration de l'organisme de corégulation est parallèlement confiée au député Christian Paul.

Présenté comme la réponse-miracle d'une société moderne à un phénomène moderne, l'organisme de corégulation d'Internet est toutefois porteur d'immenses dangers dont il convient de prendre toute la mesure. C'est l'objet de la section III de ce document. Pour autant, le statu quo n'est certainement pas une bonne solution, et la section IV de ce rapport propose quelques mesures simples constituant une alternative démocratique à la corégulation. La section V indique le moyen de mettre en place ces mesures, par la création d'une mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET) et introduit les grandes lignes de son champ d'action possible.

Section I

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Section III

 

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