Annexe IV
L'autorégulation : médiation ou arbitrage?

Sébastien Canevet


Introduction.

Depuis 1996, l'Internet francophone a connu un extraordinaire développement. Cette rapide évolution ne s'est pas faite sans l'apparition de conflits liés à l'existence et à l'utilisation du réseau. Les diverses tentatives visant à organiser juridiquement la résolution de ces différends n'ont pas encore abouti à des réalisations concrètes. Il paraît donc important de clarifier les conditions juridiques de mise en oeuvre de cette autorégulation. L'objet de cette brève étude est de tracer quelques pistes et de préparer une analyse plus approfondie de la question.

Conciliation, médiation et arbitrage : les solutions envisageables

L'autorégulation doit pouvoir trouver son fondement juridique dans une démarche purement volontaire, contractuelle, des parties. Trois mécanismes juridiques différents sont envisageables. Ce sont, par ordre croissant de contrainte pour les parties, la conciliation, la médiation et l'arbitrage.

Le choix de la médiation.

Cette trilogie juridique paraît cependant un peu complexe. De plus, la différence entre la conciliation et la médiation est fort ténue en fait (sinon en droit) et la pratique démontre que l'on passe insensiblement de l'une à l'autre. Le choix des mécanismes juridiques pouvant servir de fondement à la mise en place de cette autorégulation paraît donc se réduire à l'alternative suivante : la conciliation-médiation d'une part et l'arbitrage d'autre part.

L'arbitrage nous semble receler certains dangers. En effet, par son caractère décisoire, il peut conduire l'organisme chargé de l'autorégulation à se substituer au système judiciaire. C'est pourquoi il nous paraît opportun de l'écarter, au profit de la médiation qui, seule, permet aux parties de choisir les conditions dans lesquelles leur litige peut être amené à se résoudre. De plus, le recours à l'arbitrage est parfois limité par le droit positif [1].

Le choix de la médiation apparaît sécurisant à la fois pour l'utilisateur individuel et pour l'utilisateur marchand ou institutionnel, qui pourra ainsi à tout moment et au cas par cas choisir de ne pas continuer à s'engager dans le processus de médiation. Ce caractère purement volontaire peut sembler exagérément peu contraignant pour les différents acteurs. Il nous paraît cependant, en fait sinon en droit, un moyen à la fois sûr et sécurisant d'aboutir à une solution acceptable par tous dans la majorité des conflits.

Mise en place de la médiation.

Jusqu'à présent, les initiatives françaises ont toutes essayé de prendre les choses « par le haut ». Elles ont cherché à proposer (imposer?) un système auquel les acteurs d'Internet peuvent ensuite adhérer. Ces initiatives ont toutes rencontré beaucoup de résistance et aucune n'a encore vu le jour. La présente initiative vise plutôt à prendre les choses « par le bas », c'est-à-dire à proposer un service aux utilisateurs, celui de les aider à résoudre un problème donné se posant sur Internet, sans demander une quelconque adhésion préalable. Dans cette optique, le recours à la médiation peut être le fait de n'importe quel utilisateur.

Proposition de mise en oeuvre procédurale.

1. Dès la mise en place de l'organisme de médiation, la saisine est possible par toute personne physique ou morale.

2. Le médiateur peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, sous réserve de son accord.

3. Le médiateur peut constater par écrit l'accord ou le désaccord survenu entre les parties.

4. Les parties peuvent exprimer la volonté qu'il soit demandé au juge de donner force exécutoire à l'acte exprimant leur accord.

5. Le médiateur est tenu à l'obligation du secret.

6. Il publie un rapport sur les cas dont il est saisi, ainsi que la suite qui a été donnée à la démarche effectuée.

Perspectives d'avenir.

Le système proposé ici pour les litiges privés pourrait s'inscrire dans le programme de médiation pénale actuellement mis en oeuvre par le ministère de la Justice. Il s'agit d'éviter de recourir au juge pénal pour les petites infractions. Dans ces affaires, le Parquet a la possibilité de renvoyer l'affaire à l'organe de médiation plutôt que de déclencher la poursuite. Cette procédure, rapide et légère, est parfaitement adaptable à Internet mais nécessite l'intervention des pouvoirs publics pour l'étendre au secteur pénal.

Quelques initiatives comparables.

1. Le cybertribunal québécois : http://www.cybertribunal.org - en français (arbitrage et médiation).

2. Le Virtual Magistrate  : http://vmaq.vcilp.org (arbitrage).

3. L'Ombuds Online Office  : http://www.ombuds.org (procédure de médiation).

Notes

1. Par exemple, le droit français interdit la clause compromissoire (l'acceptation préalable de recourir à un arbitre en cas de conflit) aux particuliers (article 2061 du code civil) et l'article 2060 en son alinéa 1er dispose qu' « On ne peut compromettre sur les questions d'état ou de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public ».



Annexe 3

Retour au sommaire

Annexe 5

octobre 1997 - webmestre@iris.sgdg.org