Annexe III
Proposition pour un mécanisme d'autorégulation sur Internet (MAI).

Meryem Marzouki



Objectifs du MAI.

Les objectifs du MAI sont de deux ordres :

1. Répondre à une demande de l'opinion afin de lutter contre les contenus illégaux sur Internet. Cette demande, bien qu'amplifiée par les médias et les politiques, tant en France qu'en Europe ou dans le reste du monde, est existante et sans aucun doute légitime.

2. Permettre une meilleure compréhension des usages d'Internet, surtout par la société civile et les tribunaux. L'ambition du MAI est de contribuer à faire évoluer le droit positif sans qu'il soit forcément nécessaire de légiférer spécifiquement pour Internet. Pour ce faire, le MAI a l'objectif de :

Principes du MAI.

Pour répondre à ces objectifs, la définition du MAI est fondée sur les principes suivants :

1. Seul le juge judiciaire est habilité à dire le droit, dans le respect de la Constitution. En particulier, le MAI rejette tout concept de « contenu manifestement illégal », dont l'appréciation serait confiée à un fournisseur Internet ou à une commission administrative. Il ne saurait donc y avoir d'« autorégulation » en matière de contenus illégaux, puisqu'une telle notion reviendrait à instaurer une « police et une justice privée ».

2. La communication publique sur Internet ne saurait être plus restreinte que sur d'autres médias. En particulier, le contrôle préventif avant décision judiciaire n'a pas lieu d'y être instauré, et la suppression d'un contenu ou de l'accès public à un contenu sur Internet peut s'apparenter à une saisie, qui ne peut être opérée que dans des conditions très sévèrement réglementées par la législation française, afin de préserver la liberté d'expression, inscrite dans notre Constitution comme dans les textes européens et internationaux. Ceci n'exclut pas la répression des infractions commises, par la sanction infligée à leurs auteurs. Ces infractions sont déjà énumérées, limitativement, par le législateur.

3. La spécificité d'Internet, en particulier la rapidité de la diffusion des contenus, ainsi que la possibilité pour chacun de s'exprimer publiquement, impose toutefois de permettre une réponse judiciaire rapide, et de sanctionner les abus qui pourraient survenir dans l'utilisation publique du média. Afin de remédier à la lenteur souvent invoquée à propos de la procédure pénale, ainsi qu'à la difficulté éventuelle de saisine, le MAI permet d'adresser les plaintes directement et rapidement à un magistrat, qui pourra indiquer à l'auteur d'une requête les moyens pratiques de saisir l'autorité judiciaire, en cas de nécessité.

4. Le fournisseur Internet, qu'il soit fournisseur d'accès, de services, ou d'hébergement, assure un service technique et automatique de mise à disposition publique de contenus sur Internet. En conséquence, il n'a pas droit de regard, ni de responsabilité à assumer sur la teneur de ces contenus lorsqu'il n'en est pas le fournisseur, cette responsabilité relevant uniquement du fournisseur de contenu. En revanche, le fournisseur Internet doit se mettre au service de la justice afin de fournir toute information pertinente à l'autorité judiciaire dans le cadre de ses enquêtes de recherche de responsabilités.

5. Étant donné d'une part que dans l'état actuel de la législation française, un fournisseur Internet hébergeant, voire transportant, des contenus illégaux, pourrait être considéré par une interprétation de justice comme coresponsable, à un titre ou un autre, avec le fournisseur de ce contenu, de cette infraction; étant donné d'autre part que c'est bien en souhaitant que cette éventualité soit retenue que certains plaignants s'adressent de préférence au fournisseur Internet, plutôt qu'au fournisseur de contenu ou à la justice directement, afin que le fournisseur Internet préfère supprimer le contenu ou l'accès au contenu plutôt que de courir un risque qui pourrait s'avérer important; la meilleure solution pour satisfaire toutes les parties revient à supprimer ce risque pour le fournisseur Internet, pour autant qu'il reste dans son seul rôle d'hébergement et de transport de contenus.

6. Le MAI sera entouré de toutes les précautions nécessaires à en prévenir toute utilisation abusive ou malveillante. Un soin particulier sera apporté à la protection des données nominatives. Il est tenu au secret.

7. Le MAI ne s'autosaisit jamais, et n'est activé qu'à réception d'une requête.

Rôles du MAI.

Afin de satisfaire les objectifs qui lui sont assignés, dans le respect des principes ci-dessus définis, le MAI assure quatre rôles :

1.Un rôle de « tampon » en cas de contenu faisant l'objet d'une requête possiblement menaçante envers le fournisseur Internet l'hébergeant.

2.Un rôle de médiateur en cas de litiges privés, mettant en cause deux parties.

3. Un rôle d'expert auprès des tribunaux.

4. Un rôle de pédagogue pour tous.

Le MAI est activé selon un ou plusieurs de ces quatre rôles par le magistrat responsable de son fonctionnement dans les conditions suivantes :

1. Une requête est reçue par le MAI, destinataire de toutes les requêtes relatives à un contenu sur Internet qui pourraient être adressées à un fournisseur d'accès, de services ou d'hébergement dépendant des juridictions françaises. Ces requêtes peuvent provenir de France ou de l'étranger, et peuvent concerner un contenu émis à partir du territoire français ou de l'étranger.

2. La recevabilité de la requête est examinée. Une requête peut être recevable, transmissible, ou non recevable.

3. Une requête recevable est traitée par aiguillage du MAI vers l'un ou plusieurs des trois rôles de tampon, médiateur, ou expert, dont les fonctionnements respectifs sont explicités plus loin.

4. Le traitement de la requête et son résultat font l'objet d'un rapport, public mais non nominatif, par le MAI dans son rôle de pédagogue.

Fonctionnement du MAI

1. Réception, examen et aiguillage des requêtes.

Ces trois tâches sont effectuées sous le contrôle du magistrat responsable du MAI.

Pour être recevable, une requête devra :

Pour être transmissible, une requête devra être non recevable uniquement car elle concerne une information émise par un ressortissant étranger, résidant à l'étranger, à condition qu'un équivalent connu du MAI existe dans le pays étranger de résidence ou de nationalité de l'émetteur de l'information.

Lorsqu'une requête est transmissible, le MAI se borne à la transmettre à son équivalent étranger concerné. Si la requête est recevable, le MAI s'oriente vers le mode de fonctionnement adéquat.

2. Fonctionnement en mode « tampon ».

Ce mode de fonctionnement a pour objectif de débarrasser de tout risque de coresponsabilité le fournisseur Internet en étant, ou s'en sentant, possiblement menacé par une requête. Le but principal de ce mode de fonctionnement du MAI est donc d'éviter tout contrôle préventif, voire toute suppression de contenu, ou d'accès à un contenu, non requise par une décision judiciaire.

Dans ce mode de fonctionnement, le contenu hébergé auparavant par le fournisseur Internet devient hébergé par le MAI lui-même sur ses propres matériels. Il est remplacé sur les matériels du fournisseur Internet par un lien vers le MAI, afin d'en permettre l'accès.

Le fonctionnement en mode tampon dure le temps nécessaire à ce qu'un jugement soit rendu par l'autorité judiciaire sur le contenu ayant fait l'objet d'une requête. Si ce jugement n'ordonne pas la suppression du contenu, ce contenu redevient hébergé par le fournisseur Internet.

Afin de limiter les abus ou malveillances, le fonctionnement en mode tampon du MAI doit obligatoirement être justifié par une procédure judiciaire classique à l'encontre du fournisseur du contenu ayant fait l'objet de la requête. Cette procédure judiciaire doit être entamée par le demandeur de la requête, estant dans les conditions habituelles, éventuellement aidé d'indications pratiques du MAI. Si le demandeur refuse d'entamer une procédure judiciaire, le contenu demeure chez le fournisseur Internet, qui pourra solliciter le témoignage du MAI en cas de procédure judiciaire entamée ultérieurement, sur la base de la même requête, directement contre lui par le demandeur de la requête, afin d'éviter l'utilisation abusive ou malveillante du MAI.

3. Fonctionnement en mode « médiateur ».

Le fonctionnement en mode médiateur ne consiste pas à rendre un jugement, ni un avis, ni une recommandation quelconques. Le rôle du médiateur est d'expliquer aux parties si l'une crée un préjudice à l'autre, et dans quelle mesure. Il doit être capable de proposer des arrangements amiables satisfaisants pour les deux parties. Les parties ne peuvent être que privées, personnes physiques ou morales. La médiation nécessite comme préalable que les parties acceptent le processus de médiation. Cela ne préjuge pas de la réussite ou de l'échec de la médiation, chaque partie restant libre de s'en remettre à la justice, au cas où une solution satisfaisant les deux parties n'a pu être trouvée. On trouvera plus de détails sur le fonctionnement en mode médiateur en annexe IV (« L'autorégulation : médiation ou arbitrage ? »).

4. Fonctionnement en mode « expert ».

Le fonctionnement en mode expert a pour objectif d'aider les tribunaux dans l'instruction et le jugement d'affaires qui leur sont soumises. Un juge désireux de consulter un expert peut trouver auprès du MAI les conseils techniques, ou toute autre explication pertinente sur les usages et le fonctionnement d'Internet. Les experts du MAI peuvent également être sollicités par tout organisme, public ou privé, pour les aider à se faire une opinion ou à prendre une décision. En particulier, les utilisateurs individuels pourront solliciter les conseils du MAI en mode « expert », afin d'obtenir une information précise et fiable sur leurs droits et obligations concernant le statut et les conséquences juridiques de leur activité de fourniture de contenus. Une telle expérience a été conduite à titre bénévole en France, on en trouvera un compte rendu détaillé en annexe V (« Six mois de conseils juridiques aux utilisateurs d'Internet).

5. Fonctionnement en mode « pédagogue ».

Le fonctionnement en mode pédagogue permet de rassembler et de mettre à disposition du public différentes ressources pédagogiquement pertinentes, sur le site Web du MAI. Ces ressources incluent, mais ne sont pas limitées à, des FAQ juridiques, le rappel de la jurisprudence sur Internet, des informations techniques sur le fonctionnement et les usages d'Internet, etc. En particulier, le fonctionnement en mode pédagogue propose des comptes rendus de toutes les requêtes dont le MAI a été saisi, ainsi que de leur traitement et des résultats auxquels elles ont abouti. Ces comptes rendus ne comportent aucune information nominative, ni plus généralement d'information permettant d'identifier les protagonistes.

Le site Web du MAI comprend par ailleurs les informations administratives suivantes : le texte définissant son principe, ses objectifs, son rôle et son fonctionnement; les conditions de recevabilité et de transmissibilité d'une requête; l'identification de ses équivalents étrangers auxquels des requêtes sont transmissibles; un formulaire-type de requête; les coordonnées relatives à tous les moyens possibles de lui adresser une requête.

Annexe 2

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Annexe 4

octobre 1997 - webmestre@iris.sgdg.org