La cryptographie n'est pas une arme
Communiqué de presse d'IRIS - 15 septembre 1998
Les organisations membres de la Coalition internationale pour les libertés sur Internet (GILC : Global Internet Liberty Campaign, http://www.gilc.nl/) adressent aujourd'hui 15 septembre 1998 une déclaration aux représentants des trente-trois pays membres de l'accord de Wassenaar, dont la France. En tant que membre de GILC, et coordinateur français de la campagne internationale pour la cryptographie, IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire, http://www.iris.sgdg.org/) est signataire de cette déclaration demandant le retrait des procédés de cryptographie de la liste des biens et technologies à double usage, civil et militaire, faisant l'objet de restrictions à l'exportation aux termes de l'accord de Wassenaar. L'accord de Wassenaar date de 1995. Il identifie un régime international de contrôle à l'exportation des armes conventionnelles et des biens et technologies à double usage, ainsi qu'une liste de ces éléments. La cryptographie figure dans la liste. L'objectif de l'accord de Wassenaar est d'empêcher l'accumulation de capacités militaires susceptibles de menacer la sécurité et la stabilité régionales et internationales. Il contrôle l'exportation des procédés de cryptographie en tant que biens à double usage, c'est-à-dire ayant à la fois des applications civiles et militaires. Cependant, l'accord de Wassenaar ne porte que sur la prolifération des armes offensives, et préconise l'exemption des contrôles à l'exportation pour les logiciels grand public et les logiciels du domaine public. La déclaration des membres de GILC montre que les contrôles à l'exportation de la cryptographie, en tant que technologie défensive, ne sont pas justifiés par l'accord de Wassenaar, et sont de fait en contradiction avec les principes sur lesquels cet accord est fondé. Par ailleurs, cette déclaration met l'accent sur le fait que les contrôles à l'exportation sur la cryptographie empêchent les militants des droits de l'homme partout dans le monde de protéger leur vie et leur liberté, et lèsent plus généralement tous les citoyens et les organismes respectueux des lois, sans pour autant avoir un impact réel sur la capacité des criminels, terroristes, et États belligérants à se procurer ces produits de cryptographie s'ils le souhaitent. Les membres de GILC signataires appellent donc tous les États ayant ratifié l'accord de Wassenaar, parmi lesquels figure la France, à reconnaître l'impact négatif des contrôles existants sur les produits de cryptographie, ainsi qu'à supprimer ces restrictions des révisions futures de cet accord. La France est l'un des rares pays au monde dans lequel le libre usage de la cryptographie forte est interdit. Elle est en outre le seul pays au monde à avoir mis en oeuvre un système de tiers de séquestre. Cette position singulière devient de plus en plus difficilement compatible avec son appartenance à l'Union européenne, et son statut international. Le récent rapport du Conseil d'État sur Internet et les réseaux numériques (http://www.internet.gouv.fr/francais/textesref/rapce98/accueil.htm, deuxième partie, chapitre 3) n'exclut d'ailleurs pas qu'à terme, et à défaut d'une telle compatibilité, « il faudra se borner à exiger que les moyens de cryptologie utilisés en France permettent le recouvrement des clés à l'initiative de l'émetteur ou du destinataire du message, qui sera alors tenu de les remettre lui-même à la justice ou aux services de sécurité [...] ». La plus haute cour administrative du pays met ainsi l'accent sur la contradiction française, déjà analysée dans le rapport d'IRIS au Conseil d'État, intitulé Libertés individuelles et libertés publiques sur Internet (annexe 7, http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-ce/). IRIS appelle tout particulièrement le gouvernement français à reconnaître que son application de l'accord de Wassenaar, plus stricte que celle de la plupart des autres pays signataires, n'est pas digne d'une nation civilisée, et encore moins justifiée lorsque l'on prétend être la patrie des droits de l'homme. À l'heure de la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, pour laquelle une mission interministérielle a été confiée à monsieur Robert Badinter, et qui verra l'organisation de plusieurs manifestations en France, il est temps que le gouvernement cesse d'ignorer le droit fondamental des citoyens à la confidentialité des communications, inscrit à l'article 12 de cette Déclaration. Pour plus d'informations, consulter :
- le texte en français de la déclaration des membres de GILC (http://www.iris.sgdg.org/axes/crypto/campagne/gilc-statement-998-fr.html)
- le site de la coordination française de la campagne internationale pour la cryptographie (http://www.iris.sgdg.org/axes/crypto/campagne/) Contacts :
- François Sauterey (Francois.Sauterey@iris.sgdg.org) - Tél : 0140336846
- Meryem Marzouki (Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org) - Tél : 0144749239