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Contrôle du STIC par la CNIL - Un exercice salutaire mais des conclusions timorées


Communiqué d'IRIS - 23 janvier 2009


Le rapport publié par la CNIL à l'issue de son contrôle du fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées) montre à quel point l'exercice était salutaire. Le rapport révèle en effet un nombre phénoménal d'erreurs et de défauts de mise à jour : pour les seules investigations réalisées en 2008 sur la base du droit d'accès indirect, c'est-à-dire lorsque les personnes concernées en font la demande, seules 17% des fiches se sont avérées exactes. Pour l'association IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire), cette quantité d'erreurs ainsi que la gravité de leurs raisons et de leurs conséquences nécessitent toutefois des conclusions et propositions moins timorées. Une position plus ferme de la CNIL aurait été souhaitable, car c'est la nature même de fichiers comme le STIC qui doit être dénoncée.

Le STIC est un fichier qui concerne à présent la moitié de la population, sans limitation d'âge, soit en tant que victime, soit en tant que personne soupçonnée d'avoir commis une infraction allant du crime à la contravention de cinquième classe. En plus de son utilisation initialement prévue, l'aide aux enquêtes de police judiciaire et l'établissement de statistiques sur les activités de la police, la finalité du STIC a été étendue aux enquêtes administratives pour l'accès à certains emplois ou encore l'acquisition de titres de séjours ou de la nationalité française.
La CNIL évalue à un million le nombre d'emplois aujourd'hui concernés. En moyenne, le STIC est consulté 200 fois par an par chacun des 100.000 policiers habilités à le faire, soit, rappelle la CNIL, les deux tiers de l'effectif total de la police nationale cuisiniers compris. Autant dire que tout policier est habilité à consulter le STIC. Plus de trois fois sur quatre, ce policier prend ou oriente alors des décisions sur la base d'informations erronées.
Combien d'emplois refusés ou perdus ? Combien de demandes de titres de séjour et d'acquisition de la nationalité française refusées ? Combien d'enquêtes mal orientées ? Combien d'injustices, notamment pour les personnes enregistrées dans le STIC en tant que victimes ? Combien d'atteintes aux droits fondamentaux des personnes ?

La CNIL pointe à juste titre les trop nombreuses raisons pour lesquelles les informations du STIC sont erronées, indûment consultées, ou non mises à jour, et avance un certain nombre de propositions dans l'espoir d'y remédier. Mais le STIC se révèle en 2009 encore pire qu'on le craignait en 1999. Il y a dix ans, une conférence de presse réunissait les opposants à ce fichier pour le dénoncer et demander son démantèlement, alors même que le STIC n'était pas encore officiellement créé, mais concernait déjà plus de 5 millions de personnes fichées.
Le syndicat de la magistrature relevait déjà que l'encombrement des services de justice ne laissait que peu d'espoir aux garanties de mise à jour des fiches sous le contrôle des procureurs. Dix ans plus tard, la CNIL en est encore à recommander l'augmentation des moyens du ministère de la justice pour y remédier.
Le syndicat général de la police dénonçait alors le STIC comme un véritable fichier de population, un fichier de suspects sans aucun respect pour la présomption d'innocence. Dix ans plus tard, le STIC, pas plus qu'EDVIGE d'ailleurs, ne soulève plus l'émotion des policiers.
Il est vrai que le gouvernement leur demande sans cesse de « faire du chiffre », en plus de « substituer la culture de la preuve à la culture de l'aveu ». L'intitulé même de la loi devient édifiant : la LOPSI devient cette année LOPPSI, loi d'orientation et de programmation pour la « performance » de la sécurité intérieure. Et qu'importe que les chiffres soient faux, les « preuves » faillibles. La « performance » seule compte quand, comme le dit la ministre de l'Intérieur, on fait « le choix des nouvelles technologies face aux évolutions de la délinquance ».

Ce rapport révèle également que le STIC peut contenir des informations sensibles sur les personnes fichées. Il s'agit, comme dans le cas d'EDVIGE, des opinions politiques, philosophiques ou religieuses, de l'appartenance syndicale, ou d'informations relatives à la santé ou à la vie sexuelle.
Un thésaurus, comprenant une centaine de rubriques parmi lesquelles « homosexuel », « travesti », « permanent syndical », « membre de l'armée du salut », ou encore « sourd muet » (le spectre est large), permet de renseigner un champ « état de la personne ». La CNIL se rassure en constatant que ce thésaurus est très faiblement utilisé, et qu'un nouveau thésaurus, établi dans le cadre de la définition d'ARDOISE, le nouveau logiciel de rédaction de procédures pour alimenter des fichiers comme le STIC, ne comporterait que 15 rubriques.
On se souvient toutefois qu'il aura fallu une très forte mobilisation contre ARDOISE en avril 2008, suivie d'une saisine de la HALDE et de la CNIL par des associations de lutte contre l'homophobie, pour que les rubriques les plus contestées soient abandonnées. L'application avait alors été suspendue, et le ministère de l'Intérieur avait dû revoir les catégories pour validation de l'application par la CNIL.

Au plus fort de la mobilisation contre EDVIGE, le président de la CNIL considérait le STIC « bien plus dangereux » qu'EDVIGE. Outre le fait qu'EDVIGE, même dans sa deuxième version, est sans aucun doute promis au même destin que le STIC, ce qu'un rapport de la CNIL pourra constater dans dix ans, on s'étonne alors que le président de la CNIL ne tire pas les conclusions qui s'imposent à la lecture du rapport de contrôle du STIC : ce fichier doit être démantelé, car rien ni personne ne pourra jamais contrôler un tel monstre ni restreindre les erreurs à un nombre raisonnable et facilement réparable. Par leur nature même, des fichiers comme le STIC, son équivalent JUDEX à la gendarmerie, avec lequel le STIC va être fusionné, EDVIGE et bien d'autres encore portent en eux des dangers incontrôlables et insurmontables.

Plus de détails:
- CNIL. Conclusions du contrôle du STIC. 20 janvier 2009.
http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/Controles_Sanctions/CNIL-Conclusions%20des%20controles%20STIC.pdf
- IRIS. Compte-rendu de la conférence de presse « Non au STIC ». 13 avril 1999.
http://www.iris.sgdg.org/info-debat/non-stic0499.html
- Ministère de l'Intérieur. Intervention de Michèle Alliot-Marie, Ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer et des Collectivités Territoriales, lors de la présentation des chiffres de la délinquance. 19 janvier 2009.
http://www.interieur.gouv.fr/misill/sections/a_l_interieur/le_ministre/interventions/presentation-chiffres-delinquance/view
- LDH Toulon. « "Ardoise", nouveau fichier contesté ». 16 avril 2008.
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2638
- LDH Toulon. « "Ardoise" suspendu : quelles garanties pour l'avenir ? ». 27 avril 2008.
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2653
- Télérama. « Il y a bien plus dangereux qu'Edvige ! », entretien avec Alex Türk, président de la CNIL. 17 septembre 2008.
http://www.telerama.fr/idees/il-y-a-bien-plus-dangereux-qu-edvige,33199.php

Contacts :
- IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire) - www.iris.sgdg.org. Meryem Marzouki, contact@iris.sgdg.org, tel: 01.44.74.92.39

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