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Un pas de fourmi en avant, un pas de géant en arrière :
la LSI demeure loin d'une vision démocratique de la société

Communiqué de presse d'IRIS - 25 juin 2001

Le projet de loi sur la « société de l'information » (LSI) a été adopté par le Conseil des ministres le 13 juin 2001 et transmis à l'Assemblée nationale le 14 juin [1]. Le texte a été ré-écrit et restructuré, mais on note peu de modifications de fond, malgré les avis rendus par les autorités consultées [2].

Les dérives à la fois ultralibérales et sécuritaires dénoncées par l'association Imaginons un réseau Internet solidaire (Iris) dans son analyse de l'avant-projet [3] demeurent. Pour contribuer à éviter ces dangers, l'association a adressé son rapport aux groupes parlementaires, qui devraient examiner le projet de loi à l'automne 2001, après que la Commission des Affaires culturelles aura rendu son rapport.

Quelques rares avancées :

On note quelques rares avancées par rapport à l'avant-projet, en accord avec trois recommandations d'Iris :

- Le dépôt légal (article 10) devient soumis à l'accord de l'éditeur ou du producteur de contenus uniquement, et les personnes qui stockent ces contenus (fournisseurs d'hébergement) sont à présent exclues du champ de l'article.

- Les intermédiaires techniques d'accès et d'hébergement (article 11) n'ont plus obligation de délation, puisqu'ils ne sont plus désormais « tenus d'informer promptement les autorités publiques compétentes des activités ou informations illicites dont ils acquièrent connaissance dans l'exercice de leur activité ». On note ici un salutaire retour au droit commun.

- Les données relatives aux communications conservées pour les besoins de facturation et de paiement par les opérateurs de télécommunications (article 14) ne peuvent être transmises qu'à des « tiers concernés directement par la facturation ou le recouvrement », donc à cette seule fin, et non plus à n'importe quel tiers. Par ailleurs, lorsque les opérateurs veulent utiliser ces données pour commercialiser leurs propres services de télécommunications, le consentement exprès de l'abonné est toujours requis, mais s'accompagne désormais d'une limitation dans le temps de la valeur de ce consentement ; cette durée ne peut aller au-delà de la fin de la période contractuelle d'abonnement.

Iris se félicite de ces avancées, bien qu'elles demeurent encore trop timides et surtout partielles. En effet, les problèmes principaux identifiés par Iris - comme par certaines des autorités consultées - en matière de responsabilité des intermédiaires et de conservation des données restent posés.

Un recul important pour satisfaire le CSA :

La communication en ligne était déclarée « libre » par l'article 10 de l'avant-projet. Elle devient « libre dans les conditions prévues à l'article 1er de la loi [sur] la liberté de communication » dans l'article 6 du projet.

Cette nouvelle formulation ne signifie rien moins que le contrôle total du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) sur Internet.

La communication publique en ligne devient ainsi libre moyennant « le respect de la dignité humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui », ce qui allait évidemment sans dire mais va peut-être mieux, après tout, en le disant.

Mais surtout, les conditions prévues à l'article 1er de la loi sur la liberté de communication disposent que le CSA « garantit l'exercice de cette liberté dans les conditions définies par la présente loi [...]. Il peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi ».

Iris ne peut accepter qu'une autorité administrative à la compétence ainsi subrepticement élargie se substitue à l'autorité judiciaire comme au législateur pour contrôler l'expression des citoyens. Les prérogatives du CSA doivent rester limitées aux secteurs de la radio et de la télévision, de même que celles de l'ART, par exemple, demeurent limitées aux infrastructures de télécommunication.

Cette rédaction de l'article 6 du projet de loi doit absolument être modifiée, d'autant qu'elle participe ainsi à la confusion entretenue entre communication publique en ligne et communication audiovisuelle. Elle est, au final, dénuée de sens : que peut bien signifier, s'agissant de la liberté de communication publique en ligne, notamment dans un contexte d'autopublication, que son exercice ne peut être limité que par « le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion » ou encore par « la nécessité de développer une industrie nationale de production audiovisuelle » ?!

Du « sur place » pour la majorité des dispositions

Les autres dispositions, c'est-à-dire la quasi-totalité du texte, demeurent inchangées. Iris ne peut donc que rappeler son analyse et réitérer ses demandes de modifications, déjà exprimées dans son rapport [3] et son communiqué de presse [4] du 21 mai 2001 à propos des questions suivantes :

- Accès au réseau et services publics
- Liberté et responsabilités dans la communication en ligne
- Protection de la confidentialité et des données personnelles
- Lutte contre la cybercriminalité, « écoutes électroniques », cryptographie et déchiffrement des données

L'association ne peut que persister à penser que la LSI est, en l'état, un texte régressif pour les services publics et le contrôle démocratique, et dangereux pour les droits de l'homme et les libertés publiques.

Iris enrichit son dossier d'information sur la LSI :

Poursuivant son action en faveur de la mobilisation et de la vigilance de tous les acteurs, et dans le souci de permettre à tous de bien saisir les enjeux de la LSI, Iris enrichit son dossier d'information sur le texte.

Le dossier comprend désormais une partie « évolution du texte » permettant de suivre étape par étape et article par article les transformations du texte. Ce document est disponible à l'adresse suivante : http://www.iris.sgdg.org/actions/lsi/evol/.

Références :

[1] Assemblée nationale. Dossier LSI. http://www.assemblee-nationale.fr/dossiers/societe_information.asp
[2] IRIS. Dossier LSI. Avis disponibles : ART, CNCDH, CNIL, CSA. http://www.iris.sgdg.org/actions/lsi/
[3] IRIS. Rapport LSI-APL. « Avant-projet de loi sur la "société de l'information" : analyse et recommandations d'IRIS ». 21 mai 2001. http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-lsi-apl/
[4] IRIS. Communiqué de presse. « Avant-projet de loi sur la "société de l'information" : IRIS demande des modifications pour éviter des dérives à la fois ultra-libérales et sécuritaires ». 21 mai 2001. http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-lsi-apl0501.html

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