Réviser la Directive « E-Commerce » pour garantir la liberté d'expression et l'État de droit
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Communiqué IRIS - 10 novembre 2010
Contact : Meryem Marzouki, contact@iris.sgdg.org, Tel : 01 44 74 92 39L'association European Digital Rights (EDRI), dont l'association IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire) est membre fondateur, demande la révision du régime européen de responsabilité des intermédiaires techniques, afin de mieux garantir le respect des droits fondamentaux et de l'État de droit sur Internet.
EDRI, coalition européenne de défense des droits fondamentaux dans l'environnement numérique, composée de 29 organisations nationales de 18 pays, a répondu à la consultation de la Commission européenne sur la Directive « commerce électronique » (Directive 2000/31/CE). Cette consultation, close le 5 novembre 2010, a pour objectif d'évaluer l'application de la Directive dans les États membres, et d'identifier les problèmes posés par le texte actuel.
EDRI concentre sa réponse sur le régime de responsabilité des intermédiaires techniques, fixé par les articles 12 à 15 de la Directive. Ce régime est applicable aux intermédiaires assurant l'accès à Internet ainsi que le transport et l'hébergement de contenus sur le réseau. Du point de vue des utilisateurs d'Internet, ce régime est déterminant pour le respect de la liberté d'expression, de la liberté d'information, du droit à la protection de la vie privée et des données personnelles, ainsi que pour le respect de l'État de droit et la lutte contre l'arbitraire. Du point de vue des intermédiaires techniques, il doit assurer la sécurité juridique nécessaire à leurs activités.
La réponse d'EDRI souligne que le manque de clarté et de précision de ce régime ne permet pas à l'heure actuelle la protection des droits fondamentaux et de l'État de droit, ni n'assure la sécurité juridique des intermédiaires. À l'appui de cette assertion, EDRI cite des exemples de situations concrètes survenues dans différents pays suite aux transpositions de la Directive dans les lois nationales, et notamment en France.
Afin que l'Union européenne respecte sa propre Charte des droits fondamentaux et se conforme aux obligations imposées par la Convention européenne des droits de l'homme, EDRI insiste sur la nécessité de modifier le régime actuel de responsabilité des intermédiaires techniques, de sorte que :
- Lorsqu'un intermédiaire n'héberge pas de contenu, mais agit comme simple transporteur, fournisseur d'accès, ou moteur de recherche, il ne doit assumer aucune responsabilité au regard de ce contenu, ni ne doit remplir aucune obligation relative à la suppression ou au filtrage de l'accès à ce contenu.
- Lorsqu'un intermédiaire agit comme hébergeur, sa responsabilité vis-à-vis du contenu hébergé doit se limiter à obéir à une injonction judiciaire de suppression d'un contenu jugé illégal.
- Les intermédiaires ne doivent avoir aucune obligation de surveillance des contenus sur le réseau.
- Les services et activités actuellement non couverts par la Directive (moteurs de recherche, services du web2.0, liens hypertextes) puissent également bénéficier d'un régime de responsabilité restreinte.
La réponse d'EDRI détaille l'ensemble de ces aspects.
Depuis l'adoption de la Directive et le processus de transposition, IRIS constate que ses craintes exposées lors de l'adoption en France de la loi pour la confiance dans l'économie numérique étaient bien fondées, tant pour la France que pour les autres pays de l'Union. L'association se félicite de voir que l'alternative qu'elle défend depuis plus de dix ans demeure la seule à même de protéger les droits fondamentaux et de respecter l'État de droit dans l'environnement numérique. Au-delà des membres d'EDRI, cette alternative est aussi préconisée par d'autres défenseurs majeurs de la liberté d'expression et d'information, comme l'ONG internationale Article 19.
Plus spécifiquement en France, IRIS rappelle que le Conseil constitutionnel avait, par deux fois, censuré des tentatives de limiter les libertés fondamentales sur Internet (en 1996, dans la loi de réglementation des télécommunications qui accordait cette prérogative à une autorité administrative ; puis en 2000, dans la révision de la loi pour la liberté de communication, qui déléguait ce pouvoir à des entreprises privées). Malgré sa propre jurisprudence, le Conseil constitutionnel a finalement validé en 2004, dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique transposant la Directive sur le commerce électronique, cette dévolution du pouvoir de censure au secteur privé. Le Conseil constitutionnel s'était en effet interdit d'examiner la constitutionnalité de mesures résultant d'une transposition littérale, mettant ainsi à mal le principe de hiérarchie des normes.
Pour plus de détails, voir :
- Réponse d'EDRI à la consultation sur la Directive commerce électronique :
http://www.edri.org/files/EDRi_ecommerceresponse_101105.pdf
- Consultation publique de la Commission européenne sur la Directive commerce électronique :
http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2010/e-commerce_fr.htm
- Dossier d'IRIS sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique :
http://www.iris.sgdg.org/actions/len
- Réponse d'Article 19 à la consultation sur la Directive commerce électronique :
http://www.article19.org/pdfs/press/european-commission-freedom-of-expression-needs-better-protection-in-digital.pdf
- Décision du Conseil Constitutionnel sur la loi de réglementation des télécommunications (1996) :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1996/96-378-dc/decision-n-96-378-dc-du-23-juillet-1996.10818.html
- Décision du Conseil Constitutionnel sur la révision de la loi sur la liberté de communication (2000) :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2000/2000-433-dc/decision-n-2000-433-dc-du-27-juillet-2000.452.html
- Décision du Conseil Constitutionnel sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique (2004) :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2004/2004-496-dc/decision-n-2004-496-dc-du-10-juin-2004.901.html