Dossier Télécoms :
Politique, Infrastructure, TarifsLes télécommunications constituent une part déterminante du développement d'Internet. Qu'il s'agisse de la politique gouvernementale ou de celle des entreprises concernées, du développement des infrastructures ou encore des tarifs, IRIS se sent concernée et veut faire valoir ses analyses et positions sur ce terrain.
Ce dossier retrace les principaux développements de la situation en France, en respectant leur chronologie.
- Février 1997 :
France Télécom annonce sa nouvelle grille tarifaire pour octobre 1997. Une pétition circule sur Internet pour protester contre les « simplifications tarifaires de FT », qui se traduisent en fait par une augmentation des tarifs dans les tranches horaires du soir (suppression du « tarif bleu nuit »). Cette pétition, initiée sur Usenet par Tristan Schmurr (mieux connu sous le nom de kewl), est signée par les associations AUI et CITADEL, outre les nombreux signataires individuels. La pétition continue de circuler, pour atteindre plus de 6000 signatures (évaluation du mois d'octobre 1997).
- Mars 1997 :
L'Association des Utilisateurs d'Internet propose une série de Mesures d'Encouragement Pour l'Informatique et les Réseaux [1]
- 2 Avril 1997 :
François Fillon, alors ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace, accorde un entretien à l'Association des Utilisateurs d'Internet [2]. Entre autres questions abordées : le développement de solutions de connexions permanentes (type câble), la politique tarifaire de France Telecom et la pétition. François Fillon exprime sa préférence pour une tarification spéciale pour les communications de données : il ne s'agit pas du « Kiosque IP », qui institue la tarification à la durée, mais bien d'une numérotation permettant la baisse du coût des communications entre modems, que TOUS les fournisseurs d'accès pourraient proposer. Le ministre se prononce également pour un règlement rapide par l'ART du problème relatif au développement des accès à Internet par le câble. Il parle à ce sujet de « blocage de France Telecom ».
- 1er juin 1997 :
La gauche obtient la majorité aux élections législatives. Lionel Jospin est Premier Ministre. Il n'y a plus de Ministère des Télécommunications, mais un Secrétariat d'Etat à l'Industrie (avec à sa tête Christian Pierret) dépendant du Ministère de l'Economie et des Finances (Dominique Strauss-Kahn est en charge de ce ministère). Quels changements de politique peut-on espérer sur le terrain des télécommunications, et sur la politique relative à France Telecom ? La question de la privatisation de l'entreprise se repose.
- 25 août 1997
Lionel Jospin inaugure l'Université d'été de la Communication à Hourtin par un discours intitulé « Préparer l'entrée de la France dans la société de l'information ». Malgré de nombreuses réserves [3], nous ne pouvons que saluer, comme tout le monde, ou presque [4], la déclaration du premier ministre à propos du Minitel : « Mais, nous le savons, le Minitel, réseau uniquement national, est limité technologiquement, et risque de constituer progressivement un frein au développement des applications nouvelles et prometteuses des technologies de l'information ». Cette déclaration, historique, est tout de même immédiatement tempérée par la phrase qui la suivait dans le discours : « Je souhaite donc que France Télécom propose des solutions incitatives afin de favoriser la migration progressive du très vaste patrimoine de services du Minitel vers Internet, pour laquelle l'administration devra montrer l'exemple ». Si l'on sait déjà que le premier ministre ne tient pas toutes les promesses de Lionel Jospin, le premier ministre tiendra-t-il les promesses du premier ministre ? Et si oui, en cas de promesses contradictoires comme ci-dessus, laquelle va-t-il choisir ? On attend toujours l'annonce du débat national promis pour l'automne, pour l'instant, profitons de cet été 1997 qui perdure, au 19 octobre.
- 8 septembre 1997 :
La question de la privatisation de France Telecom est sémantiquement résolue :-) : Dominique Strauss-Kahn et Christian Pierret annoncent au cours d'une conférence de presse l'« ouverture du capital » de France Telecom à hauteur de 20%.
- 17 septembre 1997 :
France Telecom met en place sa nouvelle grille tarifaire. Sans jamais avoir reçu aucun représentant d'utilisateurs, ni même avoir daigné répondre à qui que ce soit, France Telecom se targue de proposer des tarifs spéciaux pour les « internautes » : l'an 2000 s'annonce de plus en plus détestable. Voir à ce sujet l'analyse des nouvelles mesures réalisée par Jean-Christophe Caron.
De monopoles en privilèges éhontés, France Telecom continue à mépriser citoyens, usagers, fournisseurs indépendants et institutions. Le gouvernement laisse faire. Pire : il favorise cette situation, du moins lorsqu'il s'exprime par l'intermédiaire de son secrétaire d'État à l'Industrie, Christian Pierret, qui ne cesse de militer en faveur du « kiosque Internet » [5], alors que la tarification à la durée est la pire mesure qui puisse être prise, pour autant qu'on veuille réellement que la France rattrape ce fameux retard dans le nombre de connexions à Internet, et non faire d'Internet un gros minitel...
- À suivre...
En préparation (nous n'avons pas que cela à faire, soyez indulgents, ou mieux, contribuez...) :
- Christian Pierret est-il soluble dans Alain Madelin ? Une analyse du discours néo-libéral de Christian Pierret, à partir notamment de son allocution prononcée lors de l'assemblée générale de l'AFTEL, le 15 septembre 1997
- La dérégulation des télécommunications signifie-t-elle pour autant la fin des monopoles ? Un texte plus général sur le regroupement des opérateurs privés de télécommunications.
- Sites à consulter :
- Site du Secrétariat d'Etat à l'Industrie (Ex-Ministère des Télécommunications). Dossier France Telecom
- Site web de France Télécom
- Site de Jean-Christophe Caron : des études chiffrées sur Internet en France, un suivi très exhaustif de la politique de France Telecom
[1] : Dossier réalisé à l'initiative et sous la responsabilité de Michel Davidov, actuellement membre du bureau d'IRIS.(Retour Note)
[2] : L'AUI était représentée à cet entretien par Alain Hurtig, Meryem Marzouki et Valérie Sédallian, tous trois actuellement membres d'IRIS (les deux premiers membres du bureau), ainsi que Laurent Chemla.(Retour Note)
[3] : Ces réserves ne concernant pas uniquement ce dossier Télécoms, elles ne seront pas toutes développées ici. On ne mentionnera en particulier ni les réserves sur la cryptographie, ni celles sur la régulation des contenus.(Retour Note)
[4] : Le GESTE (Groupement des Éditeurs de services en ligne), syndicat professionnel d'Éditeurs de contenus qui se partage le marché des services Minitel avec l'AFTEL (Association Française de Télématique), s'en est pour sa part ému dans son communiqué de presse : « Enfin, concernant le Minitel, GESTE réfute l'idée selon laquelle pour développer l'Internet en France il faut enterrer le Minitel : celui-ci continue encore sa progression en nombre d'appels (+3%) et est devenu l'indispensable écran du téléphone. De même que la télévision n'a pas eu besoin de tuer la radio pour se développer, l'Internet va trouver son propre public. GESTE appelle à poursuivre le développement et la modernisation du Minitel qui participe au développement de la « société de l'information ». ».(Retour Note)
[5] : Christian Pierret déclarait encore récemment : « La France a du retard dans la diffusion d'Internet, avec moins d'un million d'utilisateurs. Les raisons en sont multiples : coût élevé des micro-ordinateurs et faible taux d'équipement des ménages, nécessité de s'abonner à un fournisseur d'accès, alors que tous les français sont habitués au système Kiosque de facturation à la durée du Minitel. Pour accroître son utilisation, il a été décidé de bâtir un kiosque Internet qui permettra aux français de s'y connecter sans abonnement à un coût raisonnable. Par ailleurs, nous étudions actuellement, avec les indusriel du secteur, la réalisation de terminaux Minitel-Internet dont le prix avoisinera les 3 000 Francs et qui seront plus accessibles pour le grand public. Ces mesures devraient permettre au plus grand nombre d'accéder au réseau des réseau et à la plus fantastique des bibliothèques de connaissances jamais constituée dans le monde ». Déclaration prononcée lors du Festival International de Géographie, dont Christian Pierret est le président-fondateur, 8e édition - 2-5 octobre 1997(Retour Note)