Loi sur la liberté de communication
Discussion en première lecture au Sénat
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N° 45
SÉNAT
Compte rendu analytique officiel
SÉANCE DU MERCREDI 19 JANVIER 2000
(45e séance de la session ordinaire de 1999-2000)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE, VICE-PRÉSIDENT[...]
Audiovisuel (Suite)M. LE PRÉSIDENT. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. La discussion générale est close.
M. LE PRÉSIDENT. - Amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Laffitte, de Broissia et Trégouët. Avant l'article premier A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est inséré, après l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication un article additionnel ainsi rédigé :
Article ... - Il est institué un Conseil supérieur des technologies de l'information. Ce Conseil est composé de :
- dix députés et dix sénateurs désignés par leur assemblée respective :
- cinq personnalités qualifiées désignées par les ministres chargés des télécommunications, de la poste et de la communication audiovisuelle.
Le Conseil a pour mission de suivre le développement des secteurs de télécommunication, de la poste et de la communication audiovisuelle et les applications des nouvelles technologies de l'information. Il adresse aux ministres chargés de ces secteurs tous avis, recommandations et suggestions concernant :
- l'organisation et l'évolution des services publics des télécommunications, de la poste et de la communication audiovisuelle ;
- les moyens d'améliorer la contribution de ces services publics à l'aménagement du territoire et à l'intégration sociale ;
- l'adaptation et l'évolution des techniques de communication, de la législation protégeant les droits et les libertés des citoyens. Le Conseil est consulté par les ministres chargés des télécommunications, de la poste et de la communication audiovisuelle lors de la préparation des directives communautaires relatives à ces secteurs. Il peut en outre être consulté par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'autorité de régulation des communications et les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat sur tous les sujets relevant de sa compétence. Il peut recueillir auprès des autorités administratives compétentes toutes informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Il établit un rapport annuel remis au Parlement et au Premier ministre. Un décret en Conseil dÉtat précise les attributions et les modalités de fonctionnement du Conseil supérieur des technologies de l'information.II. - L'article 35 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications est abrogé. Les références contenues dans des dispositions de nature législative à la commission supérieure du service public des postes et télécommunications sont remplacées par des références au Conseil supérieur des technologies de l'information.
M. LAFFITTE. - Cet amendement, qui a déjà été déposé en février 1997, prend en compte le phénomène de la convergence entre la télévision et la télécommunication grâce à la numérisation et aux réseaux à grand débit. Nous pensons qu'une commission permanente de coopération entre le gouvernement et le Parlement, sur le modèle de la Commission supérieure des services publics de La Poste et des télécommunications pourrait être utile ; elle pourrait notamment donner des avis aux instances de régulation comme le C.S.A. ou l'A.R.T., et au Parlement, sur les questions relatives aux technologies, et leur évolution rapide.
M. HUGOT, rapporteur de la commission des Affaires culturelles. - La commission est favorable à cette extension de la vocation de la C.S.S.P.P.T. Ce nouveau conseil serait un outil utile pour suivre les progrès de la convergence.
Mme TRAUTMANN, ministre de la Culture et de la Communication. - Le gouvernement ne peut qu'être sensible au message contenu dans cet amendement, mais cette proposition anticipe sur les conclusions du rapport demandé à M. Christian Paul et souffre d'un certain déséquilibre, car les représentants du secteur ne sont pas représentés dans ce conseil. Cela dit, cette intéressante suggestion sera transmise à M. Pierret et à M. Paul, qui les intégreront dans leur réflexion. Je dois en attendant être défavorable à l'amendement.
M. LAFFITTE. - Je maintiens l'amendement, car, au cours de la navette, nous aurons le temps de modifier ou de retirer ce texte, s'il ne correspond pas à ce qu'aura suggéré M. Paul.
M. RENAR. - Cette disposition ne manque pas d'intérêt, car les parlementaires sont trop silencieux sur certains aspects de l'audiovisuel, et un tel conseil pourrait constituer un pas utile. Mais le conseil ne devrait pas se limiter aux seules questions de l'évolution de la technologie. L'amendement réduit son rôle à la seule convergence. Nous ne pouvons voter pour.
M. DE BROISSIA. - Mme la Ministre n'a pas émis un commentaire défavorable sur cet amendement. Mais le Sénat doit-il se déterminer en fonction d'un rapport confié à quelqu'un d'extérieur, fût-il parlementaire ? L'amendement Laffitte vise à affirmer en première lecture l'intérêt qu'il y a à étudier la convergence entre l'audiovisuel et les nouvelles technologies ; la rédaction pourra en être modifiée par la suite. L'amendement n° 94 rectifié est adopté et devient article additionnel.
M. LE PRÉSIDENT. - Je me plais à souligner l'excellent travail que Mme la Ministre accomplit dans le domaine des nouvelles technologies. Nous avons pu l'entendre en direct sur ces questions sur le site internet d'Autrans. (Mme la ministre remercie du geste.)
Article premier A (nouveau).
Le titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un chapitre VI ainsi rédigé : Dispositions relatives aux services en ligne autres que de correspondance privée Article 43-6-1. - Les personnes physiques ou morales dont l'activité est d'offrir un accès à des services en ligne autres que de correspondance privée sont tenues de proposer un moyen technique permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner.
Article 43-6-2. - Les personnes physiques ou morales qui assurent, directement ou indirectement, à titre gratuit ou onéreux, l'accès à des services en ligne autres que de correspondance privée ou le stockage pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services ne sont responsables des atteintes aux droits des tiers résultant du contenu de ces services que :
- si elles ont elles-mêmes contribué à la création ou à la production de ce contenu,
- ou si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles nont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu, sous réserve qu'elles en assurent directement le stockage. Article 43-6-3. - Les personnes mentionnées à l'article 43-6-2 sont tenues, sous réserve qu'elles en assurent directement le stockage et lorsqu'elles sont saisies par une autorité judiciaire, de lui transmettre les éléments d'identification fournis par la personne ayant procédé à la création ou à la production du message ainsi que les éléments techniques en leur possession de nature à permettre de localiser leur émission.Un décret en Conseil d'État détermine les éléments d'identification et les éléments techniques mentionnés à l'alinéa précédent, ainsi que leur durée et les modalités de leur conservation.
Amendement n° 1, présenté par M. Hugot au nom de la commission des Affaires culturelles. Rédiger comme suit cet article : Le titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un chapitre VI ainsi rédigé : Dispositions relatives aux services de communication audiovisuelle en ligne Article 43-6-1. - Toute personne exerçant l'activité de prestataire de services d'accès à des services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau électronique est tenue de proposer à ses clients un moyen technique leur permettant de restreindre l'accès à ces services ou de les sélectionner. Article 43-6-2. I. - Toute personne exerçant l'activité de prestataire de services d'accès à des services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau électronique, ou d'hébergement de tels services, est tenue :
- de s'assurer de l'identité de ses abonnés et de celle du directeur de la publication, au sens de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, de chacun des services qu'il héberge ;
- de conserver les données de connexion aux services qu'il héberge pendant un délai fixé par décret en Conseil d'État.
II. - Les prestataires des services mentionnés au premier alinéa du I peuvent être tenus pour responsables des contenus illicites des services de communication audiovisuelle fournis sur un réseau électronique dès lors :
- qu'ils sont à l'origine de la transmission ou de la mise à disposition de ces contenus, ou qu'ils ont participé à leur création ou à leur édition ;
- qu'ils ont refusé de révéler l'identité des auteurs ou des éditeurs de ces contenus aux tiers justifiant d'un intérêt légitime ;
- ou, pour les prestataires de services d'hébergement, qu'ayant eu connaissance du caractère illicite de ces contenus, ils n'ont pas fait toute diligence pour mettre en demeure leurs auteurs ou éditeurs de les retirer ou pour en rendre l'accès impossible.
Article 43-6-3. - 1°) Est puni de 6 mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende le fait, pour toute personne exerçant une des activités définies au premier alinéa du I de l'article 43-6-2 :
- de ne pas respecter l'une des obligations définies aux deuxième et troisième alinéas du I de cet article ;
- ou de ne pas déférer à une demande de l'autorité judiciaire de lui communiquer l'identité des utilisateurs de son service. Les personnes physiques coupables de ces infractions encourent également, dans les conditions prévues par l'article 131-27 du Code pénal, la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.
2°) Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du Code pénal, des infractions définies au 1°). Les peines encourures par les personnes morales sont :
- l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du Code pénal ;
- les peines complémentaires prévues aux 2°), 4°) et 9°) de l'article 131-39 du Code pénal.M. HUGOT, rapporteur. - Nous proposons une nouvelle rédaction de cet article premier A qui définit les conditions dans lesquelles les fournisseurs d'accès et d'hébergement peuvent être tenus responsables du contenu des services. Il n'est en effet pas possible de dissocier du présent texte la réglementation des services en ligne, qui doit faire, selon Mme la ministre, l'objet d'un autre projet de loi. Nos collègues députés ont estimé, à juste titre, que le développement des services en ligne suscite un contentieux qui met en jeu la responsabilité des acteurs de l'internet, et qui impose une intervention, car il ne faut pas laisser croire que le net est une zone de non-droit. Une irresponsabilité totale des prestataires techniques, même si elle apparaissait plaidable, pourrait donc avoir pour conséquence l'impunité des auteurs ou éditeurs de contenus préjudiciables à des tiers ou constitutifs d infractions. Le Conseil d'État avait dégagé dans son rapport plusieurs orientations. La première consiste à exiger des prestataires techniques qu'ils s'nforment sur le vrai responsable du contenu et répondent aux demandes d'information de la justice. Nous prévoyons en outre des sanctions. L'autre consiste à ce que les prestataires de services techniques soient soumis au régime de la responsabilité de droit commun, ce qui impose une obligation de prudence et de diligence. Ils doivent ainsi prévoir et faire cesser les atteintes aux droits des tiers et à la loi. Mais le texte de l'Assemblée nationale traite de la responsabilité civile. Or, dans ce cadre, même informés de la nature illégale d'un site de pédophilie ou provoquant à des crimes ou des délits, les prestataires techniques ne seraient pas obligés d'intervenir, ce qui va à l'encontre des efforts de la profession qui veut renforcer la responsabilité des fournisseurs d'accès, élaborer les règles de déontologie et jeter les bases de la corégulation de l'internet. Nous proposons donc de créer une obligation de diligence, tout en convenant que notre texte est perfectible.
M. LE PRÉSIDENT. - Sous-amendement n° 143 à l'amendement n° 1 de la commission des Affaires culturelles, présenté par MM. Ralite, Renar et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen. Dans le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986, après les mots : « fournis sur un réseau électronique, », insérer les mots : « autres que de correspondance privé, ».
M. RENAR. - Il est inopportun d'introduire des dispositions relatives à internet dans ce texte. Il n'y a rien de bon à attendre de la convergence des technologies et le gouvernement avait sagement renvoyé à une loi ultérieure. De fait la réflexion devra dépasser quelques préalables. Assimiler un fournisseur d'accès à un responsable éditorial est aller un peu vite. Il est essentiel de concilier la liberté de communication avec d'autres impératifs, comme la morale et les bonnes moeurs. La notion de contenu illicite mérite donc d'être précisée. De ce point de vue, la rédaction de la commission comme celle de l'Assemblée nationale ne nous satisfont pas. Comme le président du C.S.A., nous considérons que ce n'est pas aux intérêts commerciaux de trier le licite et l'illicite, non plus que de veiller aux droits d'auteur et droits voisins. Pour l'heure, nous souhaitons exclure de l'amendement les services de correspondance privée.
M. LE PRÉSIDENT. - Sous-amendement n° 101 à l'amendement n° 1 de la commission des Affaires culturelles, présenté par M. Pelchat. Au début du troisième alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 43-6-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, avant les mots : « qu'ils ont refusé de révéler », ajouter le mot : «ou ».
M. PELCHAT. - Mes sous-amendements sont complémentaires de l'amendement de la commission et le renforcent ! Mme la ministre a répondu hier qu'on ne peut rentrer dans le contenu éditorial ; mais il est seulement question de non-négligence d'un fournisseur d'accès au réseau.
M. LE PRÉSIDENT. - Sous-amendement n° 102 à l'amendement n° 1 de la commission des Affaires culturelles, présenté par M. Pelchat. Après l'avant-dernier du II du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 43-6-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
- ou qu'ils n'ont pas fait toute diligence pour reconnaître et interférer avec les mesures techniques qui ont été mises en place par les titulaires de droits de propriété intellectuelle pour permettre l'identification ou la protection des oeuvres ou enregistrements transmis ;
- ou qu'ils n'appliquent pas vis-à-vis de leurs clients une charte contractuelle leur rappelant la nécessité de respecter la législation en vigueur et prévoyant que le contrat de ces derniers pourra être résilié dans le cas où ils commettent des infractions de façon répétée.M. PELCHAT. - Ce sous-amendement s'explique par son texte même.
M. LE PRÉSIDENT. - Sous-amendement n° 103 à l'amendement n° 1 de la commission des Affaires culturelles, présenté par M. Pelchat. Rédiger comme suit le dernier alinéa du II au texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 43-6-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
- ou qu'ayant eu connaissance du caractère illicite de ces contenus ou ayant été en mesure de le connaître, ils n'ont pas fait toute diligence pour les retirer ou pour en rendre l'accès impossible.M. PELCHAT. - C'est la suite des deux précédents. Lorsqu'une faute a été constatée, le fournisseur d'accès doit établir qu'il a fait toutes les diligences nécessaires et prévenu l'utilisateur d'avoir à respecter la législation. S'il n'y avait pas de sanction à des manquements graves, quelle serait la responsabilité du fournisseur d'accès en cas de pédophilie, d'intégrisme ou autres déviances ?
M. LE PRÉSIDENT. - Sous-amendement n° 144, à l'amendement n° 1 de la commission des Affaires culturelles, présenté par MM. Ralite, Renar, Mme Luc et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen. À la fin de l'avant-dernier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 43-6-2 de la loi du 30 septembre 1986, remplacer les mots : « aux tiers justifiant d'un intérêt légitime », par les mots : « à l'autorité judiciaire ».
M. RENAR. - Nous considérons que les dispositions proposées sont inadaptées et nous souhaitons les rééquilibrer. Si des contenus illicites sont diffusés, l'identité des diffuseurs ne doit pouvoir être communiquée qu'à la seule autorité judiciaire sans que les responsables du site soient à même d'apprécier l'opportunité ou non d'une telle communication.
M. HUGOT, rapporteur. - Les sous-amendements n os 143 et 144 sont satisfaits puisque notre amendement traite de la seule communication audiovisuelle, il ne saurait, en vertu de l'article 2 de la loi de 1986, concerner les services de correspondance privée. Favorable au sous-amendement n° 101 de M. Pelchat, la commission constate que le sous-amendement n° 102 se heurte aux difficultés qu'elle a elle-même rencontrées pour traiter en quelques lignes de questions aussi complexes. Sa rédaction suscite donc quelques interrogations. Indépendamment de toute autre considération, si le prestataire technique lèse des droits en modifiant un contenu, il commet une faute. Quant à l'obligation de mise en garde, l'insertion d'une simple clause de style dans tous les contrats pourraient conduire à l'exonérer de toute responsabilité. Au demeurant, chacun est censé respecter la loi. Si ce sous-amendement n'était pas retiré, je devrais lui donner un avis défavorable. Il en va de même pour le sous-amendement n° 103, qui ne distingue pas entre fournisseur d'accès et hébergeur. Il n'est pas réaliste de présumer que les prestataires ont toujours connaissance des contenus illicites et de leur demander de les supprimer ou d'en interrompre l'accès, sans que l'éditeur ou l'auteur s'en expliquent au préalable. Notre texte n'exonère que les prestataires de services qui s'en tiendraient à une simple mise en demeure ; ce sera au juge d'apprécier au cas par cas.
Mme TRAUTMANN, ministre de la Communication. - L'objet de l'amendement n° 1 est conforme aux principes de l'amendement de M. Bloche voté à l'Assemblée nationale. J'avais donc annoncé que certains compléments me semblaient nécessaires. La concertation a permis de mieux prévoir la responsabilité de l'hébergeur qui n'aurait pas procédé aux diligences normales. J'ajoute que le Conseil européen a validé les orientations défendues par la France. La suppression de la déclaration préalable a une grande portée, la liberté d'expression publique n'étant soumise à aucun contrôle a priori. J'ai confiance en la maturité démocratique de mes concitoyens et c'est dans le même état d'esprit que j'aborde la situation des prestataires techniques qui, n'étant ni auteurs, ni éditeurs, ne doivent pas se transformer en juges du contenu. La rédaction de l'amendement est mal adaptée. Il donne des services par internet une définition qui peut entraîner des équivoques à l'égard des réseaux câblés. Lorsque l'identification se révèle indispensable, il n'est pas approprié de mettre cette contrainte à la charge du fournisseur d'accès ou de l'hébergeur, d'autant que cela interdirait la pratique des abonnements gratuits. Quant à la conservation des données de connexion, la disposition proposée va bien au-delà d'une procédure d'identification. Il faut concilier avec la protection des données personnelles la nécessaire poursuite des auteurs d'infractions dans le cadre de procédures judiciaires. Le sujet sera traité dans le cadre de la loi sur la société de l'information.
Sur la responsabilité des hébergeurs, je me bornerai à une seule observation. Il ne m'apparaît pas souhaitable d'imposer au prestataire technique informé d'un contenu supposé illicite qu'il prenne dans tous les cas les dispositions pour rendre impossible l'accès au service. Cette disposition revient à demander à l'hébergeur de valider le caractère supposé illicite du contenu, et de procéder à une censure de précaution. Le risque de confusion entre la responsabilité de l'auteur-éditeur et celle du prestataire technique est évidente. La disposition m'apparaît donc contradictoire avec l'orientation générale du dispositif. Il est très préférable d'imposer à l'hébergeur, dans ce cas, une réaction appropriée, modulée, se concrétisant par des diligences normales. Je m'en remettrai donc, sur l'amendement, à la sagesse du Sénat.
Sur le sous-amendement n° 143, je suis du même avis que le rapporteur, pour les mêmes motifs.
Sur le sous-amendement n° 101, je ne réitérerai pas les réserves du gouvernement sur l'obligation de vérification de l'identification. Avis défavorable.
Le sous-amendement n° 144 est intéressant, puisqu'il réserve l'identification de l'éditeur à la seule autorité judiciaire. Avis favorable.
Sur le sous-amendement n° 102, je rejoins l'argumentaire de M. le rapporteur. Je suis comme lui défavorable.
Quant au sous-amendement n° 103, j'ajoute qu'il contredit la notion de réaction appropriée, c'est-à-dire proportionnée, adoptée. C'est un motif de plus de lui donner un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 143 n'est pas adopté.
M. PELCHAT. - Le sous-amendement n° 101 est de pure forme. Il s'agit d'éviter une confusion entre responsabilités alternatives et responsabilités cumulatives. La commission l'a d'ailleurs accepté.
Le sous-amendement n° 101 est adopté. Le sous-amendement n° 144 n'est pas adopté.
M. RALITE. - Il avait été voté en commission ce matin ! (Mouvements divers.)
M. PELCHAT. - Je suis prêt à retirer le sous-amendement n° 103 mais pas le n° 102. Il est inconcevable que des dispositions techniques ne soient pas prises pour préserver les droits de propriété intellectuelle et empêcher les copies pirates, qui se multiplient au point de faire chuter les ventes de disques. Ces copies ne sont pas essentiellement le fait de particuliers : elles alimentent un commerce parallèle qui nuit considérablement aux ayants droit, notamment aux jeunes talents édités pour la première fois. Il importe donc de mettre en place des mesures techniques pour les protéger.
Le deuxième alinéa de ce sous-amendement permet en outre de responsabiliser les fournisseurs d'accès, faute de quoi ils pourront commettre impunément de graves négligences. Tout cela est important pour l'avenir de la diffusion sur l'internet.
Le sous-amendement n° 103 est retiré.
Le sous-amendement n° 102 est adopté.
M. LE PRÉSIDENT. - Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 ainsi sous-amendé.
Mme POURTAUD. - Cet amendement se rapporte à l'amendement adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Bloche, et il n'est pas inutile d'en rappeler le contexte. Il a été rédigé à la suite de l'affaire Altern qui a provoqué un grand émoi chez les internautes français et qui a incité à agir dans l'urgence pour la sécurité des opérateurs de la société de l'information. Tout en préservant la liberté d'expression sur l'internet, on ne pouvait accepter que celui-ci soit un espace de non-droit. Aujourd'hui, la situation a changé. En effet, la directive européenne sur le commerce électronique est en cour d'examen. De plus, le gouvernement a entamé la consultation préparatoire à la loi sur la société de l'information qui permettra de traiter les problèmes de responsabilité. C'est dans ce cadre qu'il faut examiner l'amendement de la commission. Il me semble, à la différence du rapporteur, que son dispositif pèse moins sur les prestataires de service que sur les clients. Au contraire, avec le texte de l'Assemblée nationale, la saisine de l'autorité judiciaire empêche que l'hébergeur puisse exercer une sorte de censure sur le contenu qui limiterait la liberté d'expression des réseaux. Comment, d'ailleurs, jugerait-il du caractère illicite de ce contenu ? Cette proposition revient à donner aux hébergeurs une mission d'évaluation et de contrôle, donc un pouvoir de censure. Il est préférable, comme le proposait l'Assemblée nationale, d'imposer à l'hébergeur une « réaction appropriée ». Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement de la commission.
M. DREYFUS-SCHMIDT. - Je souhaite apporter une précision de technique juridique. Lorsque le Code pénal fut adopté après de longs débats dans les deux Assemblées, nous étions convenus que, chaque fois qu'une loi particulière comporterait des dispositions pénales, il serait de bonne règle de les inclure dans le Code pénal. Mais la plupart des commissions, y compris la commission des Lois, oublient souvent de le faire, ce qui est regrettable. Et c'est encore le cas aujourd'hui. Il existe, dans la loi de 1986, un titre VI intitulé « dispositions pénales ». En attendant un nouveau titre du Code pénal il serait au moins de bonne technique juridique d'inscrire dans ce titre VI les dispositions proposées par l'article 43-6-3, qui sont exclusivement pénales. En outre, selon le Code pénal, une peine de prison donnée est toujours accompagnée de la même amende. Celle-ci est de 6 000 francs pour six mois d'emprisonnement - et non de 50 000 francs comme dans l'amendement de la commission.
L'amendement n° 1, sous-amendé, est adopté et devient l'article premier A.
M. LE PRÉSIDENT. - Article premier B (nouveau). Le 1°) de l'article 43 de la même loi est abrogé. Amendement n° 2, présenté par M. Hugot au nom de la commission des Affaires culturelles.
I. - Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - L'article 43-1 de la même loi est supprimé.
II. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».M. HUGOT, rapporteur. - Amendement de coordination. La suppression du 1°) de l'article 43 impose celle de l'article 43-1, dont les dispositions sont par ailleurs reprises dans l'article premier A.
Mme TRAUTMANN, ministre de la Communication. - Sagesse.
L'amendement n° 2 est adopté. L'article premier B, ainsi modifié, est adopté.
[...]