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Loi sur la liberté de communication

Une mauvaise loi, à dénoncer et à combattre
Bilan et analyse d'IRIS - 2 juillet 2000

Le vote définitif de la loi sur la liberté de communication a eu lieu le 28 juin 2000. Entamé en mai 1999, le processus avait pourtant débuté de façon prometteuse, avec le vote de l'amendement Bloche, première version, en première lecture à l'Assemblée nationale le 27 mai 1999. IRIS avait alors qualifié cette version d'« espoir d'un Internet démocratique », et ce vote, salué par tous les acteurs, de « vote en faveur de la démocratie et des libertés ».

Plus d'un an après, au fil des modifications successives lors des sept lectures, au gré des pressions corporatistes et des transactions politiciennes, les parlementaires de diverses tendances politiques et le gouvernement, sans oublier le député Patrick Bloche lui-même, ont dénaturé cet amendement.

La version définitive constitue une mauvaise loi, qu'IRIS appelle à dénoncer et à combattre.

Les dispositions finales de la loi liberté de communication

1. Les fournisseurs d'accès sont tenus d'informer leurs clients de l'existence de logiciels de filtrage et de leur en proposer au moins un (Art. 43-6-1, devenu Art. 43-7).

2. La responsabilité des hébergeurs n'est engagée que s'ils n'ont pas procédé à des « diligences appropriées » lorsqu'ils sont saisis par un tiers, ou s'ils n'ont pas rendu impossible l'accès à un contenu lorsqu'ils sont saisis par l'autorité judiciaire (Art. 43-6-2, devenu Art. 43-8).

3. Les fournisseurs d'accès et d'hébergement sont tenus de détenir et conserver les données concourant à l'identification des éditeurs de contenus. Ils ne peuvent divulguer ces données qu'à l'autorité judiciaire. Le Conseil d'État, après avis de la CNIL, détermine la teneur, la durée et les modalités de conservation de ces données. Le détournement de l'usage de ces données, ainsi que leur communication à des tiers, est soumis aux articles 226-17, 226-21 et 226-22 du code pénal, qui prévoit des sanctions importantes (Art. 43-6-3, devenu Art. 43-9).

4. Chacun est obligé de s'identifier auprès de son hébergeur, qui n'a pas obligation de vérifier la validité de cette identification. Cette obligation n'est assortie d'aucune sanction (Art. 43-6-4, devenu Art. 43-10).

Bilan de plus d'un an de discussion et de mobilisation

Depuis la remise en cause par les parlementaires et le gouvernement de la première version de l'amendement Bloche, la seule avancée obtenue est l'introduction du secret des données dans l'article 43-6-3 (devenu article 43-9).
Cette demande, formulée pour la première fois par IRIS dans une tribune du journal Libération en mars 1999 et soutenue sans relâche depuis par l'association, a d'abord été introduite dans l'article 43-6-4 en référence au secret professionnel par le sénateur RPR Alain Joyandet, puis dans l'article 43-6-3 par le gouvernement, en référence aux atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques.

Les « diligences appropriées » (Art. 43-6-2, devenu Art. 43-8) demandent toujours à être précisées dans la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution. Les paroles d'une ministre ou d'un député lors des débats législatifs ne peuvent déterminer ni l'action d'un fournisseur, ni l'interprétation des juges. Les ministres et les parlementaires passent, seule la loi écrite demeure.

L'identification préalable (Art. 43-6-4, devenu Art. 43-10) reste toujours aussi hypocrite et liberticide. Elle n'apporte rien par rapport à l'article 43-6-3, devenu article 43-9, si ce n'est d'immenses dangers potentiels.

Par ailleurs, IRIS tient à saluer les efforts du groupe Communiste, Républicain et Citoyen du Sénat, d'abord, en deuxième lecture, pour rétablir la première version de l'amendement Bloche, puis, en nouvelle lecture, pour supprimer l'ensemble de cet amendement, afin d'organiser un large débat public. Ces positions, dans lesquelles IRIS a retrouvé ses revendications, ont été argumentées par le souci de ne pas laisser les acteurs marchands d'Internet effectuer la régulation du réseau, et de ne pas céder à une disproportion sécuritaire au mépris des libertés individuelles et publiques.

IRIS espère que le Conseil constitutionnel, saisi sur plusieurs aspects de la loi par des parlementaires de l'opposition, rappellera sa jurisprudence constante, c'est-à-dire que toute disposition pouvant affecter les libertés publiques doit être précisée dans la loi.

Mobilisation pour la révision de l'amendement dans la loi société de l'information

L'amendement Bloche est devenu, dans sa version définitive, l'exemple archétypique de la dérive de la France vers une société de marché au service des groupes de pression défendant leurs intérêts particuliers. Une société dans laquelle la dérive sécuritaire s'organise par le soupçon systématique et dans laquelle la contractualisation et la réglementation prennent le pas sur la législation, favorisant l'inégalité et l'opacité des termes du contrat.

Le vote de l'amendement Bloche dans la loi liberté de communication ne doit pas freiner le mouvement d'opposition à ces mesures. IRIS appelle à la mobilisation la plus large, en France et à l'étranger, afin que l'amendement Bloche soit réexaminé dans son intégralité lors de la discussion sur la loi société de l'information.

Cette mobilisation nationale et internationale ne fait que commencer : IRIS appelle tous les collectifs et toutes les personnes à ajouter leur signature à la « Déclaration des acteurs d'Internet », initiative conjointe lancée par IRIS et le R@S pour demander la révision de l'intégralité de l'amendement Bloche. Les signatures sont recueillies et affichées à l'adresse : http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/declaration.html.

D'autres formes d'action sont d'ores et déjà en préparation. Dans l'immédiat, IRIS recommande aux utilisateurs d'Internet de montrer l'inutilité et l'hypocrisie de l'Art. 43-6-4, devenu Art. 43-10, en s'identifiant tous vis-à-vis des fournisseur d'hébergement par les coordonnées suivantes : Nom : Tartuffe, Prénom : Amendement, Adresse : Assemblée nationale.

IRIS rappelle que les fournisseurs n'ont pas obligation de vérifier cette identité, et qu'aucune sanction n'est prévue pour la fourniture d'une fausse identité. La recherche de l'identité réelle d'un utilisateur, pour les nécessités d'une éventuelle enquête, est assurée par les dispositions de l'article 43-6-3, devenu Art. 43-9.

Pour plus d'information :

- Déclaration des acteurs d'Internet, avec liste des signatures collectives et indivudelles : http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/declaration.html

- Dossier complet d'IRIS, loi sur la liberté de communication, avec sélection des débats parlementaires et diverses réactions : http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm

- Tableau des évolutions de l'amendement au cours des sept lectures : http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/iris-tab-evol.html

- Amendement proposé par IRIS comme alternative à l'amendement Bloche : http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/amend-iris.html

- Commentaires généraux d'IRIS sur l'ensemble du processus : http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/general.html

- Analyse d'IRIS sur l'incohérence des jurisprudences : http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm/ping-pong.html

- Liste des communiqués de presse d'IRIS publiés durant l'ensemble du processus : http://www.iris.sgdg.org/info-debat/communiques.html

- Altern ou la double injustice. Article publié dans la rubrique « Débats » de Libération, le 5 mars 1999. http://www.liberation.com/quotidien/debats/mars99/990305d.html

 

(dernière mise à jour le 16/06/2019) - webmestre@iris.sgdg.org