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Date: Fri, 28 Sep 2001 22:31:06 +0200
Subject: Au bonheur du censeur
Bonsoir à tous, Vous trouverez ci-dessous une lettre d'IRIS prolongeant l'analyse présentée dans notre communiqué de presse du 23 septembre dernier. Adresse de cette lettre sur le Web : http://www.iris.sgdg.org/les-iris/lbi/lbi-280901.html Le comité de rédaction de la lettre d'IRIS. ======================================== Au bonheur du censeur (Texte de Jean Rembert pour IRIS - 28 septembre 2001) Il n'aura pas fallu longtemps pour que le réseau devienne la cible des censeurs, à l'occasion de faits pour lesquels il n'est pourtant que très indirectement concerné. L'occasion faisant le larron, l'internet se trouve en voie d'assimilation rapide, par diverses voies, ce qui ne manquera pas de réjouir ceux qui évoquaient son caractère d'exception, et les préparateurs les plus sécuritaires de la loi sur la société de l'information. Contre ceci, il faut lutter malgré les pressions environnantes, faute de quoi le réseau sera effectivement une zone de non droit, mais pas au sens où l'entendent ses détracteurs, au sens de zone d'où ont disparu les libertés fondamentales. Le « travail » émotionnel et idéologique constant résultant de la médiatisation permanente d'événements effectivement, et affectivement, extra-ordinaires, produit déjà, dans une petite frange d'internautes, un désir d'existence dans l'action, hors cadre juridique. Le hacking le plus sommaire peut s'exprimer avec, pour cette fois, un tranquille sentiment d'impunité, voire avec la bienveillance de puissants. Il participe ce faisant à la banalisation de comportements anti-sociaux de base, dont on a connu des exemples funestes, comme la délation de masse, la substitution de la vengeance privée d'un quidam quelconque à la justice, la stigmatisation de groupes sociaux : de l'exposition publique de répertoires d'adresses mail d'abonnés à des listes de diffusion [1], à la traque avec photographies, pour le moins aléatoire et support de toutes les dénonciations pour convenance personnelle [2], en passant par le regroupement en vue de délinquance informatique pour la « bonne cause » [3], ou la saturation de newsgroup consacré à une religion. Ceci est l'homologue sur le réseau de conduites en vie réelle, et manifeste bien qu'il n'a rien d'une exception, en matière d'effets de manipulation de sensiblerie. Il est vrai que le travail antérieur de même portée déjà critiqué ici [4] légitime l'extension de l'irrationnel. Ainsi des analogies émotionnelles comme celle de la passivité devant un viol public, pour stigmatiser la non intervention de fournisseurs d'accès dans une assignation en vue de filtrage, particulièrement frappant et illustratif (y compris d'un parfait mépris pour les personnes réellement violées). On emprunte tout juste le chemin de qui l'on dénonce, et à qui l'on finit ainsi à s'identifier dans la stratégie, qu'il s'agisse de dénoncer les fascistes (version anti-raciste) ou la « racaille » (version pétainiste). Une prétendue « déferlante » de sites à supprimer succède à la précédente. La démarche, les leviers et les effets sont de même nature, la différence des intentions ne suffira pas à exonérer qui que ce soit de sa participation à d'insupportables manipulations. Pour leur part, les professionnels de la sécurité n'ont pas perdu de temps non plus pour avancer enfin sans obstacle sur le chemin de la surveillance généralisée [5-6]. Le FBI met son système d'espionnage chez les fournisseurs d'accès [7], et la cryptographie est mise en cause. Même, on peut, entre autres, demander que les logiciels présentent d'obligatoires backdoors pour les besoins éventuels des autorités [8]. Ceci n'affecte pas que les Etats-Unis, l'Union européenne étant aussi, pour reprendre un titre d'article, « au pied du mur », car « la défense des libertés individuelles n'est plus une priorité » [9]. Ne parlons pas des rôles et responsabilités de la chaîne technique, ils sont bien évidents pour les censeurs. Le risque le plus grand pour les libertés fondamentales sur le réseau, dans une telle période, me semble être celui de l'acceptation résignée et de l'autocensure. Il est déjà très difficile de faire passer un message dissonant dans les médias classiques. Qu'au moins, là où c'est possible, nous ne relayions pas leur censure d'opportunité de crainte que nos mots soient mal interprétés. Ils le seront, de toute manière, comme notre silence le serait aussi. A ce titre les initiatives naissantes pour introduire de la rationalité dans le fantasme et de la perspective dans la brutalité du moment sont courageuses et indispensables [10-13]. Sinon, au bonheur du censeur... Car c'est bien au bout du compte l'objet principal dans tous ces cas, où sous les alibis de l'urgence et de la peine, la volonté d'empêcher le sujet de faire quelque chose, de le surveiller, et le punir, finit par primer sur celle de condamner des auteurs d'infractions, ou sécuriser un système. Dynamique perverse de la punition de l'adulte-infantilisé (un rêve de gouvernant), jusqu'à ce qu'il internalise une culpabilité qui n'est pas la sienne... C'est, à proprement parler, fondamentalement agressif psychologiquement et purement réactionnaire politiquement. Références : [1] ZDNet. Un cyberdélateur balance les abonnés d'un site fondamentaliste. 18 septembre 2001. http://news.zdnet.fr/story/0,,t119-s2095521,00.html [2] Transfert. Ben Laden traqué sur le web. 13 septembre 2001. http://www.transfert.net/fr/cyber_societe/article.cfm?idx_rub=87&idx_art=7296 [3] Transfert. Attentats : les script kiddies sont bien des script kiddies. 18 septembre 2001. http://www.transfert.net/fr/cyber_societe/article.cfm?idx_rub=87&idx_art=7331 [4] IRIS. N'est pas Zola qui veut. 9 juillet 2001. http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-filtrage0701.html [5] Silicon.fr. L'Internet sera-t-il sous surveillance ? 12 septembre 2001. http://www.silicon.fr/a2653 [6] Libération. Le net en liberté surveillée. 19 septembre 2001. http://www.liberation.com/quotidien/semaine/20010919merp.html [7] ZDNet. Après les attentats, l'enquête du FBI fait un détour chez les FAI. 13 septembre 2001. http://news.zdnet.fr/story/0,,t118-s2095241,00.html [8] Wired. Bush Bill Rewrites Spy Laws. 19 septembre 2001. http://www.wired.com/news/politics/0,1283,46953,00.html [9] ZDNet. Lutte anti terroriste et cryptographie : l'Europe au pied du mur. 19 septembre 2001. http://news.zdnet.fr/story/0,,t140-s2095653,00.html [10] Communiqué CDT (USA). Preserving democratic freedoms in times of peril. 14 septembre 2001. http://www.cdt.org/security/cdtstatement.shtml [11] Tech Law Journal. An Analysis of How the Events of September 11 May Change Federal Law. 17 septembre 2001. http://techlawjournal.com/terrorism/20010917.asp [12] Communiqué FITUG (Allemagne). FITUG urges political leaders to defend citizens' freedoms. 18 septembre 2001. http://www.fitug.de/news/pes/fitug-010918.en.html [13] Communiqué IRIS (France). La justice, dans les limites du droit et de la démocratie. 23 septembre 2001. http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-usa0901.html


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