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Date: Fri, 07 Jul 2000 09:37:37 +0200
Subject: Rapport Christian Paul - Principaux dangers ecartes, mais
risque structurel de paralysie


Bonjour à tous,

Vous trouverez ci-après le communiqué de presse d'IRIS à propos du
projet de « Forum des droits sur l'internet », proposé par la mission
Christian Paul sur la corégulation d'Internet.
Ce communiqué est suivi de commentaires plus détaillés sur ce projet.

Pour IRIS, Meryem Marzouki.
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Rapport Christian Paul sur la corégulation : Le projet écarte les
principaux dangers, mais comporte un grave risque structurel de
paralysie

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Communiqué de presse d'IRIS - 7 juillet 2000
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Le député Christian Paul a remis au Premier ministre le 29 juin 2000
son rapport sur la corégulation, à l'issue d'une mission conduite
depuis novembre 1999.

Le rapport, qui propose la création d'un « Forum des droits sur
l'internet » (FDI), tranche très nettement par rapport aux
propositions qui ont pu être faites dans les années précédentes : 
« Conseil de l'Internet » de la mission Antoine Beaussant en 1997 
ou « Organisme de corégulation » du rapport du Conseil d'État en
1998.

La mission Christian Paul écarte fermement les principaux dangers
contre lesquels IRIS avait mis en garde dans son propre rapport sur la
corégulation, et définit des missions pertinentes de facilitation et
de pacification du débat, reprenant d'ailleurs les principales
propositions d'IRIS.

Toutefois, le « Forum des droits sur l'internet » présente un grave
risque structurel de paralysie, par sa composition et son mode de
fonctionnement proposés. La mission Christian Paul n'a en effet pas su
résister à la tentation de doter le FDI d'une représentativité et
d'une légitimité auxquelles il ne peut, par définition, prétendre.

Le FDI n'a nullement besoin d'une quelconque représentativité pour
accomplir les missions qui lui sont assignées. IRIS avait justement
souhaité que cet écueil soit évité, en proposant la création d'une
mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur
Internet.

IRIS reste donc attachée, en l'absence de proposition plus
satisfaisante, à l'idée de mission interministérielle, mais
accueillera très favorablement toute nouvelle proposition permettant
d'éviter les points d'achoppement du FDI qui ont été signalés.

Références :
- Rapport d'IRIS en contribution au débat sur la corégulation : « Pour
  une alternative démocratique à la corégulation d'Internet :
  Proposition de création d'une mission interministérielle pour la
  citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET) »
  (05-04-00)
- Rapport Christian Paul remis au Premier ministre : « Du droit et des
  libertés sur l'internet » (29-06-00)

Contact IRIS : Meryem Marzouki - Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org -
Tel/Fax : 0144749239

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Commentaires détaillés d'IRIS - 7 juillet 2000
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Les principaux dangers écartés

Le « Forum des droits sur l'internet » proposé par la mission
Christian Paul n'aura aucune prérogative policière, ni judiciaire, ni
administrative, ni législative. Il n'interviendra pas non plus sur des
cas individuels.

IRIS, qui avait mis en garde dans sa contribution contre les risques
de centralisation et de concentration des pouvoirs, contre
l'instauration d'un régime d'exception au droit commun pour Internet,
contre les menaces potentielles sur la liberté d'expression et contre
le risque d'instauration d'une police et d'une justice privées,
considère le FDI comme pleinement rassurant de ce point de vue.

En particulier, le FDI ne gèrera pas de « ligne d'urgence » (hot-line)
et ne pourra pas être sollicité pour avis sur des comportements ou des
contenus dans des cas particuliers. Il ne sera pas un organisme
centralisé de médiation ou de labélisation.

IRIS note avec satisfaction la volonté ainsi clairement affichée par
le député Christian Paul de résister à toute tentative de démembrement
ou de mise en retrait de l'État au bénéfice d'intérêts particuliers,
comme peuvent le faire craindre, par exemple, les références à
certaines missions d'un organisme de corégulation, contenues dans le
document d'orientation du gouvernement en vue de la future loi sur la
société de l'information.

Des missions pertinentes

La mission centrale définie pour le FDI est l'organisation d'un débat
continu impliquant toutes les composantes de la société. Ce débat est
tout aussi nécessaire que la sérénité que pourra lui conférer le FDI.
Le rapport insiste longuement sur cette mission première, jusque dans
la dénomination de l'instance proposée.

L'organisation du débat s'accompagne d'un rôle essentiel de veille,
d'information et de pédagogie sur les usages et les enjeux d'Internet,
sans ignorer l'aspect international du réseau.

Enfin, le FDI tiendra un rôle important d'aide à la mise en place
d'initiatives, publiques ou privées, de médiation et de labélisation
d'activités professionnelles.

IRIS se félicite particulièrement de voir reprises ses propositions de
ligne d'urgence gérée directement par la police judiciaire pour les
cas graves d'une part, et d'extension des Maisons de la justice et du
droit pour la médiation dans les petits conflits d'ordre privé d'autre
part.

Seule la mise en place de telles mesures permettra de préciser ce que
peuvent être les « diligences appropriées », dans le cadre d'une
révision de l'amendement Bloche à la loi sur la liberté de
communication.

Un risque structurel de paralysie

Malgré ses nombreux aspects positifs, le rapport Christian Paul
achoppe dramatiquement sur la composition et le mode de fonctionnement
proposés pour le FDI.

Premièrement, en recherchant une impossible représentativité de tous
les acteurs, le rapport prévoit de doter le FDI d'un conseil formé de
quinze membres. Si le mode de désignation des quatre représentants des
pouvoirs publics et des trois personnalités qualifiées est justifié,
celui des huit représentants des membres associés, divisés en deux
collèges (« acteurs économiques » et « utilisateurs »), pose en
revanche des problèmes insurmontables.

D'abord parce qu'un utilisateur d'Internet est aussi un acteur
économique et qu'un acteur économique utilisera de plus en plus
Internet. Cette tentative de répartition des rôles étant tout à fait
artificielle, La pertinence de l'appartenance à un collège ou un autre
fera l'objet de fortes contestations.
Ensuite parce que le processus d'élection proposé n'est pas équitable.
Il sera facile aux membres d'un collège ou d'un autre d'utiliser leurs
moyens matériels et le nombre de leurs adhérents pour orienter le
résultat des élections.
En outre, la notion même de membre associé, fondée simplement sur le
paiement d'une cotisation, pose question quand on sait qu'Internet n'a
pas encore pénétré l'ensemble de la société et que le FDI doit être au
service de l'intérêt général.
Il est à ce titre intéressant de relever que le rapport reconnaît 
qu'« il n'est pas possible de formuler des règles de
"représentativité" de l'ensemble des acteurs de l'internet et de la
société de l'information, d'une part, parce qu'il s'agit
potentiellement de tout le monde, d'autre part, parce que certains
secteurs [...] sont mieux organisés que d'autres [...] ».

Deuxièmement, en recherchant systématiquement le consensus entre les
acteurs, dans le but de formuler des recommandations, le rapport
propose un mode de fonctionnement dont le caractère prudent, voire
timoré, va à l'encontre des ambitions portées par le FDI.

Le FDI n'a pas à être précautionneux pour se saisir d'une question à
traiter ou d'un débat à ouvrir. Son rôle est au contraire de faire
preuve de la plus grande audace en cette matière.
Le FDI doit faciliter les débats et rester dans son rôle en
reconnaissant éventuellement l'absence de consensus et sans chercher à
fournir une recommandation quelconque dans ce cas. Le « dissensus »
sur certaines questions est aussi le reflet d'une société démocratique
plurielle.

Ce qui doit être modifié

Le FDI, s'il abandonne la recherche hypothétique de consensus à tout
prix et la volonté de production de recommandations, n'a nullement
besoin d'une quelconque représentativité pour accomplir ses missions
essentielles.

Comme l'expose le rapport, la légitimité et la reconnaissance du FDI
ne pourront provenir que de ses activités en faveur de l'intérêt
général.

Il n'est pas nécessaire d'envisager des adhésions et encore moins des
élections, qui ne seraient qu'une illusion de démocratie et qui
donneraient lieu à des enjeux de pouvoir. Ces enjeux de pouvoir
remettraient en cause l'objectif premier du FDI, c'est-à-dire la
sérénité des débats.

Pour permettre cependant au FDI d'atteindre les objectifs qu'il s'est
fixés tout en évitant les écueils que nous venons de décrire, il
apparaît nécessaire et suffisant que tout acteur ayant une
contribution à apporter sur une question donnée, y compris pour mettre
cette question à l'ordre du jour, puisse participer, ponctuellement ou
non, au débat dans le cadre du « Forum des droits sur l'internet ».

IRIS rappelle sa position au sujet de l'impossible représentativité de
tous les acteurs, exprimée dans sa contribution au débat sur la
corégulation : « quelle que soit sa composition, et quelle que soit
son organisation (par exemple en collèges de membres), l'organisme de
corégulation ne pourra jamais prétendre à la représentativité de tous
les acteurs, ni par conséquent à la légitimité de ses décisions. En
effet, chaque catégorie d'acteurs restera forcément incomplète [...].
Par ailleurs, la représentativité de certaines catégories sera usurpée
: quel groupement ou association peut prétendre à représenter les
utilisateurs, sachant qu'un utilisateur peut être à la fois un
consommateur, un administré, un travailleur, un chômeur, un syndiqué,
un militant d'une cause ou d'une autre, un étudiant, un parent, ... en
un mot un citoyen sous tous ses aspects ? »

IRIS reste donc attachée, en l'absence de proposition plus
satisfaisante, à la création d'une mission interministérielle, mais
accueillera très favorablement toute nouvelle proposition permettant
d'éviter les points d'achoppement du FDI qui ont été signalés.

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Meryem Marzouki - Pages personnelles : http://asim.lip6.fr/~marzouki
IRIS - 294 rue de Charenton, 75012 Paris, France 
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