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Mon, 7 Feb 2000 22:35:17 +0100
Subject: Responsabilite et propriete intellectuelle

Bonsoir à tous,

Pour votre information, voici quelques éléments d'analyse, dans le cadre du
suivi par Iris de deux dossiers, dont les enjeux respectifs ne sont pas si
éloignés l'un de l'autre. Il s'agit des dossiers loi sur la liberté de
communication (responsabilité des fournisseurs Internet) et de l'affaire
DVD-CCA (procès intenté par cette association regroupant des 'majors' de
l'industrie du cinéma). Vos réactions sont les bienvenues ! Publiez-les de
préférence sur la liste publique de l'Internet non marchand et solidaire :
inms-l@iris.sgdg.org (abonnement :
mailto:inms-l-request@iris.sgdg.org?Subject=subscribe).

Vous trouverez également en fin de message deux annonces, l'une du site
transnationale.org et l'autre d'un important dossier « société de
l'information » dans la revue de l'institut de recherches de la FSU.

Meryem.

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Responsabilité des fournisseurs : que veut la majorité sénatoriale ?
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Après la parution le 23 janvier du communiqué d'IRIS intitulé « Iris
dénonce une dérive lourde de dangers : avec le Sénat, les fournisseurs
Internet deviendraient à la fois policiers, juges et censeurs »
(http://www.iris.sgdg.org/info-debat/comm-senat0100.html), l'AFA
(Association des fournisseurs d'accès) a publié le 26 janvier sa réaction
suite au vote du Sénat le 19 janvier. Le communiqué de presse de l'AFA est
disponible sur leur site (http://www.afa-france.com). Vous en trouverez
aussi le texte sur le site d'Iris, dans notre dossier
(http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm). Avec ce communiqué, intitulé «
le Sénat propose de déléguer les pouvoirs du juge aux plaignants », l'AFA
devient de plus en plus explicite pour dénoncer les dérives pointées par
Iris depuis longtemps. Il est vrai que le Sénat a plutôt fait dans la
démesure, cette fois...

Démesure, peut-être, mais pas encore assez au goût de certains : le
communiqué de presse d'Iris suite au vote du Sénat indique que « Non
content de ces dispositions introduites par la commission des affaires
culturelles, le sénateur Michel Pelchat (RI) a obtenu l'adoption d'un
sous-amendement introduisant deux autres cas d'engagement de la
responsabilité du fournisseur. Ce dernier serait en droit de modifier les
contenus, voire dans l'obligation de le faire pour se protéger lui-même !
L'argumentation en faveur de ce sous-amendement a clairement montré lors
des débats le privilège accordé aux intérêts commerciaux, au mépris des
droits élémentaires ». Il s'agit du sous-amendement N. 102 (voir la teneur
des débats à ce sujet dans notre sélection des passages concernant
Internet).

On comprend mieux de quoi il s'agit, à la lecture d'un encadré publié par
le journal Le Monde daté du 28 janvier, signalant que les producteurs de
musique, comme les sociétés de droit d'auteur, ne décolèrent pas contre la
ministre de la Culture, qui s'était prononcée contre ce sous-amendement
(adopté quand même par la majorité sénatoriale).
Dans un communiqué commun publié à l'occasion du MIDEM 2000, la SACEM et le
SNEP réaffirmaient d'ailleurs leur demande de modifier l'amendement Bloche
« afin de renforcer sensiblement la responsabilité des opérateurs
d'internet en cas de comportements illicites » :
http://www.sacem.fr/actus/zoom/snpe.html. Les deux organismes font bien sûr
référence à l'amendement tel que déposé par le député Patrick Bloche, et
adopté par l'Assemblée nationale en mai 1999.

L'examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale de la loi sur la
liberté de communication est prévu pour les 21, 22 et 23 mars 2000.

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La propriété intellectuelle au  secours des Majors
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À suivre de très près également, le procès intenté par la RIAA (Recording
Industry Association of America) contre le site MP3.com, dénonçant les
services "Instant Listening" et "Beam-it" comme des actes de piratage
massif. La revue Wired
(http://www.wired.com/news/politics/0,1283,33634,00.html) expose le
problème et ses enjeux : le premier service permet, à ceux qui ont acheté
des CDs de musique via des partenaires de MP3.com, d'accéder en ligne et
immédiatement au contenu de ces CDs. Le deuxième service permet de produire
ses propres compilations musicales au format MP3, sachant que ces
compilations ne peuvent provenir que de morceaux gravés sur des CDs que
l'utilisateur du service doit introduire dans son ordinateur. Voir aussi un
article de Libération à ce sujet :
http://www.liberation.com/multi/actu/20000124/20000124b.html Wired explique
ainsi que ce service ne nécessite donc pas  la preuve d'achat du CD, mais
la disponibilité du CD acheté au moment de l'utilisation du service. Autre
problème, la fourniture de ce service implique que la société MP3.com a une
base de données de tous les morceaux de musique au format MP3, sans
autorisation, d'après la RIAA. Mais, à part ce « léger problème », le
service est jugé très  intéressant par un représentant d'EMI. Verra-t-on
une résolution  « amiable » du conflit par une fusion/alliance EMI-MP3.com
?? Après AOL-Time Warner, puis AOL-Time Warner-EMI, aura-t-on un « AOL-Time
Warner-EMi-MP3.com » ?? Il ne manquerait plus que Microsoft pour faire
bonne mesure !

Car finalement l'enjeu est toujours le même, et il est économique : des
sociétés commerciales puissantes veulent garder la mainmise sur les
matériels, logiciels et contenus qui sont financièrement sous leur
contrôle.  Pour ce faire, elles utilisent la notion de propriété
intellectuelle dans une logique résolument mercantile (ne manquant pas
toutefois d'invoquer le droit des auteurs et créateurs chaque fois que
nécessaire), parfois au mépris du « fair use » ou usage loyal. Il existe,
certes, bien des cas de piratage, et il n'est pas question de minimiser ce
danger, ni surtout de minimiser le mépris des auteurs et créateurs que le
piratage suppose : nous avons en effet réaffirmé à plusieurs reprises notre
attachement au respect du droit d'auteur.  Mais en réalité, ce ne sont pas
forcément les oeuvres ni les auteurs que  l'on protège, mais les
investissements - ce qui certes est légitime -  et surtout leur rentabilité
maximale. On ne protège pas les contenus,  mais les contenants et la
distribution. Et on hurle au piratage dans tous les cas, pour mieux
renforcer et orienter la législation vers une protection des intérêts
financiers, plus que des intérêts des auteurs eux-mêmes.

Pourtant, le piratage n'est pas toujours avéré, loin s'en faut.

Dans le cas des CDs musicaux, peut-on ignorer que, sous couvert de défense
du droit d'auteur, les 'majors' pratiquent une politique des prix
intolérable, et un contrôle du marché tel que les jeunes créateurs n'ont
quasiment aucune chance de toucher un public quelconque, à moins d'être
portés par ces 'majors', qui en font un produit ? Dans le prix final d'un
disque, quelle est la part revenant aux artistes, quelle est la part
légitime de l'investissement du producteur, et quelle est la part de profit
réalisé par ce producteur ou le distributeur ? Ce que l'on connait bien est
le montant de la TVA : il est bien trop élevé, beaucoup plus que pour les
autres biens culturels, et les producteurs ont raison de demander la baisse
de ce taux. Mais est-ce bien la seule baisse à considérer ?

Dans le cas du procès intenté par la DVD-CCA,  il est clair qu'il ne s'agit
pas d'un cas de piratage, mais bel et bien de l'exercice du droit d'usage
loyal (fair use), à des fins de diffusion d'information  et de connaissance.

C'est tout l'enjeu du procès, dénoncé dans la motion des membres de la
coalition internationale GILC (cf.
http://www.iris.sgdg.org/info-debat/gilc-dvdcss-0100-fr.html). Vous
trouverez sur ce site un lien vers un dossier complet (en Français)  sur
l'affaire, réalisé par le site dvdfr.com. Ce dossier présente tous les
points de vue, notamment celui du Français cité nommément dans la plainte
de la DVD-CCA. Il est curieux que la presse généraliste (et hors-ligne)
française n'en ait quasiment pas parlé. Ainsi, cette personne termine son
interview par ces mots à l'adresse de Giuseppe Salza, journaliste ayant
réalisé le dossier : « Je te remercie également de nous donner la parole,
car peu de personnes sont prêtes a nous écouter (et je ne te parle pas des
avocats du MPAA, qui ne répondent même pas a mes mails...). ».

Notons que les plaignants dans cette affaire sont la DVD-CCA (plainte en
Californie) et la MPAA (plainte à New York). La MPAA (Motion Picture
Association of America) représente les "majors" d'Hollywood.  La DVD-CCA
(http://www.dvdcca.org), quant à elle, regroupe la MPAA, la BSA (Business
Software Alliance, qui s'est illustrée par des "descentes" dans des
sociétés ou associations pour vérifier - sans toujours avoir les
autorisations de le faire - si elles utilisaient des logiciels piratés), et
la EIA (Electronic Industries Alliance, qui regroupe les industries de
matériel électronique et de télécommunications : http://www.eia.org).

Résumons à propos de ces "grands" et de ceux qui représentent leurs intérêts :

- Industrie du logiciel, représentée par la BSA (http://www.bsa.org)
Sociétés membres :  Adobe Systems, Autodesk, Bentley Systems, Corel,
Filemaker (Europe), Inprise (Asia), Lotus Development, Macromedia (Asia),
Microsoft, Network Associates, Novell, Symantec, Visio. Sociétés membres du
conseil d'orientation :  Apple Computer, Compaq, IBM, Intel, Intuit, Sybase.

- Industrie du matériel électronique, représentée par l'EIA
(http://www.eia.org)
Associations membres : Consumer Electronics Manufacturers Association
(CEMA), Electronic Components, Assemblies, Equipment & Supplies
Association (ECA), Telecommunications Industry Association (TIA),
Electronic Information Group (EIG), Government Electronics &
Information Association (GEIA), JEDEC Solid State Technology Association
(JSSTA), Electronic Industries Foundations (EIF).

- Industrie du film (hollywoodien), représentée par la MPAA
(http://www.mpaa.org)
Sociétés membres : Walt Disney Company, Sony Pictures Entertainment, Inc.,
Metro-Goldwyn-Mayer Inc., Paramount Pictures Corporation, Twentieth Century
Fox Film Corp., Universal Studios, Inc., and Warner Bros..

- Industrie du disque, représentée par la RIAA (http://www.riaa.org)
Sociétés membres : plus de 500, représentant 90% du marché américain, dont
BMG Entertainment, EMI-Recorded Music, Sony Music Entertainment, Inc.,
Universal Music Group, and Warner Music Group, mais aussi des labels moins
connus.

Face à ces puissances énormes, tant financières qu'en termes de lobbying
auprès des gouvernements et organisations internationales, il est crucial
de continuer d'informer et de s'informer, afin de bien comprendre les
enjeux, dans leur globalité. Il est ensuite important d'agir, chacun à son
niveau, afin que les intérêts financiers ne réussissent pas à imposer des
lois toujours plus permissives pour eux et toujours plus répressives pour
les citoyens, des lois guidées par cette logique marchande, voire
mercantile.

C'est pourquoi on ne saurait considérer que les enjeux relatifs aux
questions de la responsabilité des fournisseurs, de la
(co-/auto-/multi-/inter-/etc.)régulation des contenus, de la propriété
intellectuelle, et des logiciels et contenus libres sont complètement
dissociés. Bien au contraire, ces questions sont capitales pour la
promotion du secteur non-marchand : l'information, le savoir, la
connaissance, la culture ne sont pas des marchandises.

Ce travail d'information, d'explication des enjeux, et d'action, c'est bien
ce que nous essayons de faire au sein d'Iris, dans la mesure de nos moyens,
en collaboration avec nos partenaires, notamment les membres de la
coalition internationale GILC.

Signalons également l'action de l'EFF avec la campagne « CAFE » : Campaign
for Audiovisual Free Expression (http://www.eff.org/cafe), lancée depuis
mai 1999 avec des acteurs de l'audiovisuel et de la musique, qui ne sont
pas les "majors".

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Revue « Nouveaux regards » : dossier « société de l'information »
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Le dernier numéro (hiver 1999-2000) de la revue de l'Institut de recherches
de la FSU (Fédération syndicale unitaire : http://www.fsu.fr ), « Nouveaux
regards », comporte un dossier consacré à la « société de l'information »,
et à ses enjeux, notamment éducatifs et économiques, avec au sommaire :

- Présentation, p.2
- La mutation informationnelle, la mal comprise, par Jacques Robin, p.4
- « Nouvelle économie », quelles transformations réelles, par Eric
Brousseau et Alain Rallet p.10
- Quelques aspects de la relation entre l'art et les technologies, par
Jean-Pierre Balpe, p.10
- Ecole-télévision, trente ans d'expérience, par Anne Brunswic, p.16
- Des technologies pourquoi faire ?, Entretien avec des collègues du
premier et du second degré, p. 9
- Le point de vue de l'inspection générale, p.28
- Le cas du CNED, par Françoise Vénier, p.30
- De Hourtin à Hourtin, p.32 - En Europe aussi ..., p.34
- Pour un Internet à usage solidaire et citoyen, entretien avec Meryem
Marzouki, p. 5

On trouvera également dans ce numéro une étude sur le thème des
toxicomanies et de l'éducation, ainsi que d'autres rubriques. On peut
commander la revue (70F frais de port compris) en s'adressant à
mailto:institut.fsu@wanadoo.fr. Ce dossier constitue la suite logique du
numéro précédent, consacré à l'OMC et au marché de l'éducation, que l'on
peut télécharger sur le site de « Nouveaux regards » :
http://www.fsu.fr/Institut/index.html.

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Transnationale.org : tout sur les entreprises transnationales
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Nous avons reçu l'annonce d'un nouveau site, nommé transnationale.org. Ce
site est mis en ligne par une association créée en octobre 1999, et dont le
siège est situé à Martigues (13). Ce site se veut un lieu centralisant des
sources d'information sur de nombreux - et brûlants - dossiers, et sur les
entreprises multinationales impliquées dans ces dossiers.

Avant de diffuser cette annonce, nous avons souhaité avoir plus
d'information sur cette nouvelle association : qui elle est, quels sont ses
financements, qui sont ses dirigeants, quels sont les statuts de
l'association, quels sont ses partenaires, etc., vu que rien ne permet
d'avoir ces informations par simple consultation du site. La réponse
obtenue donne assez peu d'indications : « Nous sommes une association à but
non lucratif (loi 1901) dont le siège se trouve à Martigues (13) et dont
l'objet est la collecte et la diffusion d'informations sur les entreprises
transnationales. Nous sommes indépendants financièrement, c'est à dire que
"nos actifs physiques" se limitent à l'ordinateur et l'accès internet du
fondateur. Nous n'avons à ce jour aucun partenariat politique ou avec des
entreprises. L'association a été créée en Octobre 1999. Nos références sont
largement partagées, droits de l'Homme, du travail, protection de la
nature. Nous n'avons pas de message particulier à faire passer et ne
faisons pas de prosélytisme. Voilà, nous n'avons pas encore de charte ou de
message de présentation plus élaboré, désolé. »

Il reste tout de même que certaines informations, notamment les fiches des
entreprises, constituent beaucoup de travail et nécessitent beaucoup de
moyens pour une jeune association, à moins que ces fiches ne viennent
d'ailleurs. Peut-être sous-estimons-nous les capacités des membres de
l'association...En tout état de cause, un tel travail réalisé sans avoir de
« message particulier à faire passer », c'est quasiment du gâchis :-). Le
message (ou la valeur estimée de ce travail) viendra peut-être plus tard.
Il n'en reste pas moins que le site et l'association gagneraient à se
présenter plus complètement, en toute transparence, et en citant ses
sources. Alors pour l'instant allez donc voir par vous-mêmes :
http://www.transnationale.org.


--
Meryem Marzouki - Pages personnelles : http://asim.lip6.fr/~marzouki
IRIS - 294 rue de Charenton, 75012 Paris, France
Tel/Fax: +33(0)144749239 - http://www.iris.sgdg.org



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