Courrier de : Michel Hervé
Reçu le : 6 mai 1998
Titre : Sortir de la pensée unique du politique
Références : LES IRIS numéro deux
Autres articles : Le courrier
"Sortir de la pensée unique du politique"
- Réponse à l'article de l'IRIS -
Dans la dernière lettre électronique de l'association "IRIS", est publié un
article polémique intitulé "Régionales : Internet comme unique projet
politique".
Si nous trouvons très stimulant de pouvoir débattre de manière ouverte et
critique ainsi de notre "Initiative", nous regrettons que les auteurs de
l'article ait pu se méprendre à ce point sur le sens de notre démarche.
Leur lecture de notre texte-manifeste est, ou bien trop rapide et
superficielle, ou bien trop idéologique - ce qui les conduit à des
contre-sens sur l'objet même de cette initiative.
Le titre même de l'article "Internet comme unique projet politique" est une
méprise totale sur le sens même de l'Initiative pour un renouveau
politique.
Nous n'avons jamais présenté l'Internet comme une fin en soi, ni comme
l'objet unique d'un projet politique. Nous avons toujours pensé - et c'est
d'ailleurs l'approche qui est suivie sur le terrain à Parthenay depuis
plusieurs années dans le cadre du projet "Ville numérisée" - que l'Internet
n'est qu'un outil et non une fin. Certes nous pensons que les réseaux
électroniques sont des outils particulièrement intéressants par le fait
qu'ils peuvent être les "catalyseurs" et les "révélateurs" de changements
organisationnels importants - et nous pensons que cette "catalyse" peut
être intéressante à expérimenter au sein de la Cité; Notre intuition est
que ce même outil pourrait être utilisé au service d'une approche de
rénovation politique comme "catalyseur" et révélateur d'une nécessaire
mutation de notre processus politique vers une citoyenneté plus active et
vers des modes de décisions moins hiérarchisés. C'est en ce sens que nous
pensons qu'Internet pourrait une technologie au service de la rénovation
politique.
Voilà ce que nous avons cherché à dire dans ce texte - peut-être
maladroitement. Rien de plus, rien de moins… Mais jamais n'avons-nous
écrit, ni présenté l'Internet "comme la solution à tous les problèmes";
prétendre le contraire relève de la mauvaise foi !
Ce qui est troublant, c'est que votre article passe entièrement sous
silence ce qui a été au cœur de cette initiative, et qui en a fait sa
véritable originalité: son caractère de "liste ouverte" qui a permis à des
citoyens non pré-déterminés à l'avance, sans étiquette partisanes, mais
avec des engagements civiques et associatifs de terrain de s'engager sur
cette liste. Notre intention ici était de montrer que l'on pouvait
ré-ouvrir le jeu, permettre à des citoyens actifs d'entrer sur la scène
politique, et de ne pas se laisser enfermer par les méthodes claniques et
hiérarchiques des appareils des partis qui "verrouillent" l'offre
politique.
Ce faisant, nous avons voulu ainsi indiquer que l'un des enjeux politiques
majeurs à l'heure actuelle, ne réside pas pour nous seulement dans le
contenu de telle ou telle mesure programmatique (dans le domaine
économique, social, environnemental, etc.) telle qu'elles sont
habituellement débattues entre la droite et la gauche, mais aussi et
surtout dans la rénovation du processus politique lui-même.
En clair : il nous apparaît que le fonctionnement actuel de notre système
de démocratie représentative et de nos partis traditionnels pose problème
parce que trop hiérarchisé, trop verrouillé.
Nous pensons qu'il y a à favoriser la citoyenneté active: c'est-à-dire
qu'il y a d'une part à favoriser les possibilités des citoyens à
s'auto-organiser et à faire des choses eux-mêmes, et qu'il y a d'autre
part, à impliquer plus radicalement, plus activement, plus directement les
citoyens dans les espaces de décisions politiques.
Nous pensons qu'il serait dangereux de ne laisser qu'au seul Front
national, le soin de reconnaître cette crise profonde du système et de lui
laisser y apporter ses réponses identitaires, xénophobes et archaïques. Il
y a à porter une critique du système à partir d'un espace démocratique et
progressiste.
Il est également fallacieux de prétendre à l'absence de contenu et de
projet politique dans notre démarche. Certes, nous nous sommes refuser à
présenter de manière a-priori et imposé un "programme en 10 points, 10
mesures" …; nous avons préféré présenter plutôt un cadre référentiel
permettant de poser un certains nombres de nos valeurs et de nos principes
fondamentaux, tout en laissant ouvert le contenu d'un programme de manière
à ce qu'il se construise peu à peu avec les candidats eux-mêmes (qui
n'étaient pas choisis a priori), et qu'il puisse se discuter et s'enrichir
par le débat au sein des forums électroniques de notre site.
Toutefois pour qui prenait le soin de lire attentivement le texte-manifeste
de notre initiative ainsi que les différentes contributions qui ont été
publiées au fil des jours sur notre site par les candidats de la liste et
par l'équipe de campagne (dans la partie réflexion, dans le "journal" ou
encore dans les forums), notre engagement politique était clair et
cohérent, tout en restant ouvert ; il peut se résumer ainsi :
- La conviction qu'il y a à des développer à côté des formes
traditionnelles
de Démocratie représentative, des formes nouvelles de citoyenneté plus
active.
- La conviction que le développement territorial suppose une
ré-appropriation
par les citoyens de tous les échelons de la vie politique : ville,
Département, Région, Etat, etc.
La conviction que cela implique un changement de méthode de "gouvernance"
du côté de l'acteur public: Le rôle de l'acteur public est important ; mais
il doit accompagner un mouvement plutôt que de l'écraser. A l'échelle
régionale par exemple, l'autorité politique n'a pas à "faire" directement;
mais elle doit être le catalyseur de tous les mouvements créatifs du
territoire, favoriser les initiatives de citoyens.
- La conviction qu'entre une vision étatiste qui n'assimile la volonté
générale qu'à l'Etat et une vision libérale qui ne croit qu'au vertu du
"tout-marché", il y a à promouvoir une approche nouvelle qui mette l'accent
sur l'économie solidaire et la volonté des citoyens de s'auto-organiser.
Nous pensons qu'il y a dans l'économie quaternaire (que l'on appelle aussi
le tiers-secteur ) un gisement de créativité fondamentale pour réussir la
mutation de notre système productif - qui est incapable d'assurer le plein
emploi -. Cela peut conduire à explorer la possibilité d'une allocation
universelle de revenu pour éviter la société à deux vitesses et favoriser
le développement des activités quaternaires.
- La conviction qu'il revient à l'acteur public de favoriser de manière
volontariste l'appropriation par tous des nouvelles technologies
informationelles; car ces technologies peuvent aider au développement de
l'économie quaternaire.
Pour ma part, j'ai positionner mon engagement sur cette liste en pleine
cohérence avec mon expérience de terrain de plus de 15 ans comme Maire de
Parthenay (qui m'a conduit à impulser une démarche de développement locale
reconnue comme innovante par un certain nombre d'observateurs extérieurs)
mais aussi en pleine cohérence avec certaines convictions philosophiques et
politiques que je partage avec des intellectuels comme André Gorz, Jacques
Robin ou René Passet.
Tout cela me fait dire que vos critiques sur la soit-disante "absence de
projet" ne correspondent en rien à la réalité de notre démarche; tout au
contraire ! Nous vous invitons à nouveau à lire les différentes
contributions présentes sur le site.
Permettez-moi à mon tour de m'interroger sur votre contre-sens …lecture
superficielle ou lecture idéologique ?
En fait on a l'impression que toute la démarche de votre article découle
d'un véritable pré-jugé, d'une certaine forme de "pensée unique": c'est
ainsi "qu'il faudrait prendre parti" (sous-entendu dans les partis
traditionnels) et de démontrer qu'il n'y a point de salut hors des partis
classiques; d'où votre volonté de discréditer une initiative qui gène car
elle ne rentre pas dans les clivages traditionnels.
Oui, vous avez raison il faut bien "prendre parti" ! - mais on n'est pas
obliger de le faire de manière conventionnelle, si l'on estime que les
partis traditionnels sont incapables à l'heure actuelle de rendre compte à
la fois des mutations fondamentales de notre société et de l'aspiration de
beaucoup à une rénovation politique qui permettent aux citoyens d'être
pleinement acteurs.
Votre contre-sens ne m'étonnerait pas venant de quelques militants du PS ou
du RPR… cela m'étonne plus venant de militants associatifs engagés pour la
cause de l'Internet solidaire…!
Oui, il est temps de sortir de la "pensée unique" du politique !
Michel Hervé
Maire de Parthenay
5 mai 1998