Pétition des ONG contre l'AMI,
à l'initiative de Public CitizenTraduction : IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire)
Pour ajouter votre organisation à la liste des signataires, envoyer un courrier à ctaylor@citizen.org
Pour consulter la liste des premiers signataires, voir l'original de la pétition
Consultation ONG/OCDE sur l'AMI
Paris, 27 Octobre 1997
INTRODUCTION
Nous, coalition d'organisations en faveur du développement, de l'environnement et de la consommation, issues de tous les coins du monde, et représentées dans plus de 70 pays, considérons que le projet d'Accord Multilatéral sur l'Investissement est dangereux, et ne doit pas se poursuivre dans sa forme actuelle, pour autant qu'il doive se poursuivre.
Vue l'ampleur des désordres, tant sociaux qu'environnementaux, causés par la mobilité croissante des capitaux, il est évident qu'il faut réguler d'une façon multilatérale les investissements. Toutefois, les intentions de l'AMI ne sont pas de réguler les investissements, mais de réguler les États. En tant que tel, l'AMI est inacceptable.
Les négociations sur l'AMI ont commencé au printemps 1995, à l'OCDE, voilà plus de deux ans, et l'OCDE prétend qu'elles ont pratiquement abouti. Ces négociations ont été menées sans avoir bénéficié de la participation des pays hors-OCDE, et sans la société civile, qui inclut les organisations non-gouvernementales, représentant les intérêts des travailleurs, des consommateurs, des exploitants agricoles, et les organisations concernées par la défense de l'environnement, par le développement, et par les droits de l'homme.
La conséquence est que l'AMI n'est pas équitable. Il élève les droits des investisseurs bien au-dessus de ceux des gouvernements, des collectivités locales, des citoyens, des travailleurs, et de l'environnnement. L'AMI mènera à la ruine des maigres progrès qui ont été obtenus en faveur d'un développement durable, depuis le sommet de la Terre à Rio en 1992.
Non seulement l'AMI est, aux yeux des ONG, entaché de défauts, mais il se révèle en conflit avec des démarches internationales, déjà engagées par les pays membres de l'OCDE:
- L'AMI ne prend pas en compte plusieurs accords significatifs tels que la Déclaration de Rio, l'Agenda 21, les Recommandations des Nations-Unis pour la Protection des Consommateurs (1985), l'ensemble des Principes d'accords Multilatéraux (CNUCED) sur le contrôle des mesures restreignant le libre commerce (1981), et le Plan d'Action Global HABITAT.
- L'AMI n'est pas conforme aux engagements de l'OCDE, qui consistent à coordonner des politiques économiques, environnementales et sociales (1).
- L'AMI supprime certaines responsabilités incombant aux entreprises multinationales qui ont été agréées par l'OCDE, dans le cadre des Recommandations de l'OCDE pour des Initiatives Multilatérales en 1976 (2).
L'exclusion des pays en voie de développement, et des pays en phase de transition, des négociations est en contradiction avec la politique de l'OCDE sur le partenariat pour le développement (3).
Les problèmes posés par l'AMI proviennent aussi bien des importantes restrictions imposées à l'action démocratique nationale, que de son manquement à inclure suffisamment de mécanismes innovants favorisant une régulation et une responsabilisation internationales.
L'AMI, tel qu'il est, ne mérite aucune approbation démocratique dans quelque pays que ce soit. Toutes les organisations qui auront signé cette pétition lutteront contre son adoption, sauf si des modifications, parmi lesquelles celles citées plus bas, sont portées au contenu de l'AMI.
PRINCIPALES PREOCCUPATIONS
Tel qu'il est prévu, l'AMI ne respecte pas le droit des nations - en particulier celui des pays en phase de transition et de ceux en voie de développement - et en particulier leur droit à contrôler démocratiquement les investissements au sein de leur économie.
Le niveau de libéralisation, induit par l'AMI, a déjà fait l'objet d'oppositions de la part de pays en voie de développement. Malgré cela, les pays hors-OCDE sont soumis à une pression croissante pour s'y rallier.
Les besoins sont différents, quand il s'agit de l'investissement et du développement, pour les pays de l'OCDE et pour les autres. En particulier, le potentiel de diversification économique et de développement des pays en voie de développement - surtout les moins développés - et des pays en phase de transition sera profondément ruiné par les disposition de l'AMI. La rigidité de son principe poserait des problèmes plus particulièrement aux pays en phase transitoire, parce que beaucoup d'entre eux n'ont pas encore mis en place une régulation du commerce apropriée.
La clause de rétractation de l'AMI lierait les nations à un modèle économique unique pendant quinze années; empêcherait les gouvernements futurs de réviser leur politique d'investissement, et de refléter ainsi leur propre vision de la démarche économique la plus appropriée; et forcerait les pays à continuer de respecter l'accord, même si de toute évidence, son impact s'est révélé désastreux.
L'AMI ne contient aucune contrainte, aucune obligation qui soit opposable aux chefs d'entreprises concernant l'environnement, le code du travail, et les pratiques anti-concurrentielles. L'AMI met les investisseurs étrangers dans une position sans précédent, leur permettant, sous couvert d'un accord aliénant, d'attaquer des réglementations légitimes, destinées à protéger l'environnement, à sauvegarder la santé publique, à maintenir les droits des employés, ou à promouvoir une concurence loyale.
De plus, les citoyens, les populations indigènes, les gouvernements locaux et les ONG n'ont pas accès au système de résolution des litiges, et par conséquent, ne peuvent pas tenir les investisseurs étrangers pour responsables devant les communautés qui les accueillent, ni intervenir dans le cas où un investisseur poursuit en justice un gouvernement.
L'AMI sera en conflit avec de nombreuses lois et réglementations, nationales et internationales, existantes et futures, destinées à protéger l'environnement, les ressources naturelles, la santé publique, la culture, l'aide sociale, et l'emploi; il en fera abroger beaucoup; il dissuadera de l'adoption de toute nouvelle législation, ou du renforcement de celles qui existent.
L'AMI est clairement conçu pour faciliter aux investisseurs les mouvements de capitaux, y compris des moyens de productions, d'un pays vers un autre; et cela en dépit de la preuve que la mobilité croissante des capitaux bénéficie de façon disproportionnée aux entreprises multinationnales, aux dépens de la plupart des pays du monde.
NOUS APPELONS L'OCDE ET LES GOUVERNEMENTS NATIONAUX À:
Vues les préoccupations principales:
1) Engager une évaluation indépendante et exhaustive de l'impact social, environnemental ainsi que sur le développement, de l'AMI, avec l'entière participation du public. Les négociations devront être suspendues durant cette évaluation.
2) Demander aux investisseurs multinationaux de tenir compte des accords contenant des dispositions standards sur l'environnement, le travail, la santé, la sécurité et les droits de l'homme, et s'assurer qu'ils n'utilisent pas l'AMI pour exploiter des régimes faiblement réglementés. S'assurer qu'un accord applicable concernant la responsabilité des investisseurs soit prioritaire sur tout accord concernant les droits des investisseurs.
3) Eliminer le mécanisme de résolution des litiges entre États et investisseurs, et mettre à la place un mécanisme démocratique et transparent, qui vérifie que la société civile, y compris les populations locales et indigènes, y trouvent de nouvelles possibilités pour responsabiliser les investisseurs.
4) Aucune des soussignées ONG n'objecte aux investisseurs le droit d'obtenir une compensation en cas d'expropriation par un État, mais il existe dans les lois nationales et la jurisprudence des principes adaptés à la protection des investisseurs dans de telles circonstances. L'AMI, tel qu'il est aujourd'hui, outrepasse les principes généralement acceptés d'expropriation directe, et s'égare dans des domaines pouvant ruiner la souveraineté nationale. Nous demandons donc que les membres de l'OCDE éliminent les dispositions sur l'expropriation, de telle sorte que les investisseurs ne bénéficient pas d'un droit absolu à une compensation pour cause d'expropriation. Les gouvernements doivent s'assurer qu'ils n'auront pas à payer le droit de mettre en place des codes sur l'environnement, le travail, la santé et la sécurité, même si la mise en conformité à de telles réglementations impose des coût financiers significatifs aux investisseurs.
Vues les préoccupation à propos de la procédure:
1) Suspendre les négociations, reporter l'échéance de 1998, et dégager suffisamment de temps pour une participation significative du public, dans tous les pays.
2) Améliorer la transparence des négociations, en publiant les projets de texte, et toutes les réserves, et en programmant une série de réunions publiques, et d'auditions, aussi bien dans les pays membres que non membres, ouvertes aux médias, aux parlementaires, et au grand public.
3) Étendre la participation active des services départementaux dans les négociations officielles au delà de l'État, du commerce et des finances, pour atteindre un domaine plus large incluant des agences gouvernementales, des ministères, et des commissions parlementaires.
4) Renégocier les termes concernant la rétractation, pour permettre aux pays de se retirer plus facilement de l'accord, quand ils le jugent utile dans l'intérêt de leurs citoyens. Les pays en voie de développement, et ceux en phase transitoire, ne doivent subir aucune pression pour rejoindre l'AMI.
CONCLUSION
Le texte actuel de l'AMI est incompatible avec les accords internationaux signés par les pays de l'OCDE, avec la politique actuelle de l'OCDE, et avec les lois nationales qui essaient de promouvoir un développement durable. Il ne prend pas en compte l'important travail mené par les experts en investissement et des organismes officiels tels que les critères « favoriser le développement » de la CNUCED sur les accords sur l'investissement, et d'autres travaux sur la responsabilité des investisseurs.
Si les recommandations de l'OCDE doivent avoir un sens quelconque, les dispositions ci-dessus doivent être incluses dans l'AMI avec la même force que celles sur la libéralisation de l'économie.
Etant donnée nos graves préoccupations concernant l'AMI, et l'incroyable court terme dans lequel l'AMI est sur le point d'être conclu, nous attendons de l'OCDE et de ses États membres de reconsidérer fondamentalement aussi bien la procédure que la substance du projet d'accord. Nous demandons à l'OCDE de nous adresser une réponse écrite spécifique et détaillée à nos préoccupations. Nous demandons également à l'OCDE d'éviter de parler publiquement de ses consultations avec les ONG, sans parler également des sérieuses préoccupations soulevées lors de ces consultations.
Enfin, nous continuerons à nous opposer à l'AMI, tant que nos exigences ne seront pas complètements satisfaites.
(1) Communiqué du ministère le l'OCDE, mai 1997
(2) Code de conduite des entreprises multinationale, OCDE, Paris 1992
(3) Façonner le 21ème siécle: Une Contribution à une Coopération pour le Développement. OCDE 1997
(4) CNUCED, Rapport Mondial sur les Investissements, 1997; Réunion d'Expertise CNUCED "Favoriser le Développement, Critères pour un cadre d'Investissement" 1997.