IRIS
(Imaginons un réseau internet solidaire)
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Pour une alternative démocratique à la corégulation d'Internet :
Proposition de création d'une mission interministérielle
pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet
(MICADNET)

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Contribution d'IRIS au débat sur la corégulation d'Internet
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Rapport IRIS - Avril 2000


Sommaire


I. Préambule

II. Introduction

III. Les dangers de la corégulation
    III.1. Centralisation et concentration des pouvoirs
    III.2. Instauration d'un régime d'exception au droit commun et menace sur la liberté d'expression
    III.3. Instauration d'une police et d'une justice privées
    III.4. Absence de transparence et de contrôle démocratique
    III.5. Impossible représentativité de tous les acteurs

IV. Une alternative démocratique à la corégulation existe
    IV.1. Accès au droit par l'information et la médiation
    IV.2. Définition précise des responsabilités des acteurs
    IV.3. Gestion d'une ligne d'urgence par la police judiciaire
    IV.4. Séparation des pouvoirs et des autorités
    IV.5. Discussion et concertation périodiques entre tous

V. La Mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET)
    V.1. Rôle et champ d'action
    V.2. Composition, durée et fonctionnement

VI. Conclusion

Annexe 1 : Présentation de l'expérience de médiation d'Iris (en anglais)
    A1.1. Overview of the presentation
    A1.2. Iris Overview
    A1.3. Motivations for Iris Mediation Experiment (1)
    A1.4. Motivations for Iris Mediation Experiment (2)
    A1.5. Main Features of Iris Mediation Experiment
    A1.6. Some Figures of Iris Mediation Experiment (1)
    A1.7. Some Figures of Iris Mediation Experiment (2)
    A1.8. Analysis of Iris Mediation Experiment
    A1.9. Recommendations
    A1.10. Conclusion

Annexe 2 : Revue des systèmes de hot-line existants
    A2.1. Allemagne
    A2.2. Autriche
    A2.3. Belgique
    A2.4. États-Unis
    A2.5. France
    A2.6. Irlande
    A2.7. Norvège
    A2.8. Pays-Bas
    A2.9. Royaume-Uni


I. Préambule


Ce document constitue la contribution de l'association IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire : http://www.iris.sgdg.org) au débat sur la corégulation d'Internet. Ce débat s'inscrit dans le cadre de la mission de préfiguration d'un « organisme de corégulation » conduite par le député Christian Paul à la demande du Premier ministre (http://www.internet.gouv.fr/francais/textesref/pagsi2/lsi/coregulation.htm).

Ce rapport fait suite à l'audition de l'association par la mission, le 2 décembre 1999. Il précise, sur la question spécifique de la corégulation, les positions déjà exprimées par Iris dans ses rapports d'octobre 1997 (Libertés individuelles et libertés publiques sur Internet : http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-ce) et de novembre 1999 (85 recommandations pour un Internet démocratique en l'an 2000 : http://www.iris.sgdg.org/documents/rapport-lsi).

Ce rapport est également en accord avec les positions exprimées par divers acteurs associatifs et syndicaux réunis lors des deuxièmes Assises de l'Internet non marchand et solidaire, le 27 novembre 1999 (Motion des participants : http://www.assises.sgdg.org/motion-finale-assises99.html).

Ce document a été élaboré pour Iris par Meryem Marzouki (Meryem.Marzouki@iris.sgdg.org).


II. Introduction


La corégulation est en bonne voie d'intronisation en tant que « concept du siècle », talonnée par la gouvernance. Isabelle Falque Pierrotin, principale rédactrice du rapport du Conseil d'État sur Internet et les réseaux numériques (http://www.internet.gouv.fr/francais/textesref/rapce98/accueil.htm), nous présente la corégulation d'Internet comme une idée neuve, savant compromis entre un « trop d'État » qui tuerait l'État, et un « trop de liberté » qui tuerait la liberté (Le Monde du 27 novembre 1999).

L'idée est pourtant loin d'être neuve, puisqu'on peut la reconnaître par exemple dans le mode de régulation des marchés financiers ou encore de l'investissement et du commerce internationaux. Elle est un signe patent de cette « nouvelle constitution libérale », dont le journaliste Pascal Riché indique qu'« elle remplace peu à peu l'État par le droit, l'intervention politique par la « régulation », le gouvernement par la gouvernance » (Libération du 12 octobre 1999). La corégulation accompagne cette approche libérale pour mieux réduire le rôle du politique. Elle est d'ailleurs soutenue au niveau européen, notamment par Erkki Liikanen, commissaire chargé des entreprises et de la société de l'information, qui souhaite limiter l'intervention des États à la protection du copyright ou aux questions de responsabilité pénale, pour laisser principalement l'industrie définir les modes de régulation d'Internet. La corégulation est aussi l'approche prônée par les États-Unis, et prévaut dans des enceintes internationales comme l'OCDE.

Proposé pour la première fois en France en 1998 dans un rapport du Conseil d'État, l'organisme de corégulation d'Internet est très vite retenu par le Premier ministre, pour être mentionné dans le document d'orientation du gouvernement à propos de la future « loi sur la société de l'information ». Ce document, dont, sauf autrement mentionné, sont extraites toutes nos citations à propos des prérogatives de l'organisme, présuppose l'existence de cette instance et en fait la pierre angulaire de nombreuses dispositions importantes de la future loi sur la société de l'information. Une mission de préfiguration de l'organisme de corégulation est parallèlement confiée au député Christian Paul.

Présenté comme la réponse-miracle d'une société moderne à un phénomène moderne, l'organisme de corégulation d'Internet est toutefois porteur d'immenses dangers dont il convient de prendre toute la mesure. C'est l'objet de la section III de ce document. Pour autant, le statu quo n'est certainement pas une bonne solution, et la section IV de ce rapport propose quelques mesures simples constituant une alternative démocratique à la corégulation. La section V indique le moyen de mettre en place ces mesures, par la création d'une mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET) et introduit les grandes lignes de son champ d'action possible.


III. Les dangers de la corégulation


III.1. Centralisation et concentration des pouvoirs

L'organisme vise à coréguler Internet, or Internet n'est ni un média, ni un service, ni un secteur d'activité. Il s'agit d'une infrastructure de réseaux hétérogènes permettant de véhiculer de nombreux services et usages dans des secteurs divers, jusque là encadrés par des instances, autorités et organismes de contrôle propres à ces secteurs.

Par ailleurs, tout le monde est potentiellement amené à utiliser Internet : intermédiaires techniques, acteurs du commerce électronique, mais surtout tout individu ou organisme, privé ou public, dans son rôle citoyen comme dans ses activités de consommation.

Ainsi, l'organisme de corégulation centralisera, harmonisera, et finalement prévaudra sur les instances actuelles de contrôle, ses décisions s'appliquant à tous.

À titre d'exemple, l'une des missions fixées pour l'organisme de corégulation est « l'élaboration et l'homologation de contrats types et de codes de bonne conduite ». Cela signifie que l'organisme prévaudra entre autres sur le Conseil National de la Consommation.

Il prévaudra même à terme, de fait sinon de droit, sur la Commission Nationale Informatique et Libertés. On nous traitera sans doute de Cassandre, mais à l'heure du développement du commerce électronique à n'importe quel prix - notamment au prix de la protection de la vie privée et des données personnelles, qui sont devenues la première valeur marchande du commerce électronique -, comment interpréter l'affirmation que l'autorégulation « apporte en effet dans de nombreux secteurs d'activité une réponse satisfaisante (marketing direct et téléphonique, publicité, vente par correspondance ...) » ?

Plutôt que de concentrer tous les pouvoirs dans les mains d'un organisme privé, laissons donc les différentes instances de contrôle démocratique continuer leur travail dans leur secteur, sur Internet et hors Internet.

III.2. Instauration d'un régime d'exception au droit commun et menace sur la liberté d'expression

Les contenus publiquement véhiculés sur le réseau Internet sont émis par des auteurs très divers : on trouve sur Internet des données émises par les pouvoirs publics, par des organes de presse écrite, par des médias audiovisuels, par des entreprises, par des associations, par des syndicats, et par tout citoyen.

Or l'organisme de corégulation serait chargé de « veiller à la déontologie des contenus véhiculés sur les réseaux, sur le principe de l'autorégulation ». Parler de « déontologie des contenus » est un non-sens : il n'y a de déontologie que de métier.

Ainsi, les journalistes, les avocats, les médecins, ont leurs codes de déontologie ; les entreprises n'ont pas de déontologie : elles obéissent à plusieurs codes, comme le Code de la consommation, le Code de la concurrence, mais aussi le Code du travail ; le ridicule atteint des sommets lorsque l'on invoque une « déontologie du citoyen » : jusqu'à preuve du contraire, cette « déontologie », c'est le droit commun, c'est-à-dire l'ensemble des règles dont une société veut se doter, codifié dans notre pays par la loi et par la Constitution, loi suprême.

L'instance de contrôle de cette « déontologie »-là demeure à ce jour les tribunaux, devant lesquels nous restons tous justiciables, sur Internet ou hors Internet, comme en témoigne une récente condamnation pour propos racistes tenus publiquement sur Internet.

Pourtant, avec un organisme de corégulation et des dispositions législatives comme celles adoptées, dans le cadre de la loi sur la liberté de communication, par le Sénat en première lecture ou l'Assemblée nationale en deuxième lecture, c'est le droit d'expression sur Internet qui est menacé. Cela poursuit et aggrave le combat inégal « du pot de fer contre le pot de terre » : quel intermédiaire technique, mis en demeure par une grande entreprise de supprimer le contenu d'un site personnel, associatif ou syndical qui lui déplait en prétextant que ce site est diffamatoire, hésitera un seul instant à s'exécuter ? Quelle protection sera alors offerte à l'éditeur ? Ici encore, seule une instance judicaire peut être habilitée à prendre une décision de cet ordre.

III.3. Instauration d'une police et d'une justice privées

L'une des manifestations les plus flagrantes de ce régime d'exception au droit commun pour Internet est la volonté d'instaurer une « ligne d'appel d'urgence destinée à recueillir les observations des usagers, afin de les signaler, si nécessaire, aux intermédiaires concernés ».

Cette ligne d'appel d'urgence est censée répondre à la nécessité - réelle et légitime - de lutter contre les contenus illégaux sur Internet, en particulier dans les affaires de pédophilie. Des systèmes équivalents existent dans certains pays : Autriche, États-Unis, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, ... L'annexe 2 de ce document passe en revue les différents systèmes existants.

Ces lignes d'urgences sont le plus souvent gérées par des organismes privés, notamment composés des intermédiaires techniques mentionnés. Rares sont les cas où la police ou la justice est partie prenante à ces organismes.

La plupart de ces lignes d'urgence sont gérées ainsi : l'auteur du contenu - jusqu'ici d'ailleurs simplement présumé illégal -, et/ou son fournisseur d'accès, de service ou d'hébergement, est enjoint de supprimer ce contenu, de sorte qu'il ne soit plus disponible publiquement sur Internet. Dans certaines circonstances le cas est transmis à la police ou aux tribunaux. La situation la plus courante est de transmettre le cas aux services répressifs uniquement lorsque l'auteur du contenu ou l'intermédiaire technique n'a pas obtempéré à l'injonction de l'organisme privé.

Il convient d'analyser ce mode de gestion de ligne d'urgence : finalement, son objectif est de « nettoyer Internet », et non pas d'identifier les - présumés - responsables d'actes supposés criminels ou délictueux pour ensuite les sanctionner.

Cet objectif n'est pas surprenant de la part de groupes d'intérêts privés, dont le but est évidemment de « créer la confiance du consommateur », en lui proposant un Internet propre et en ordre afin qu'il vienne consommer toujours plus, et en toute quiétude : l'objectif de ces entreprises est de ne pas perdre l'immense marché potentiel des familles non encore connectées à Internet.

Il est en revanche inacceptable que cette attitude de Tartuffe soit encouragée par les pouvoirs publics : leur rôle n'est-il pas au contraire de faire en sorte que les responsables de crimes et délits soient identifiés et sanctionnés ? Pourquoi alors veulent-ils mettre en place des méthodes et des organismes qui vont se substituer aux services de police et de justice (sans présenter les mêmes garanties de procédure contradictoire), voire risquer d'entraver leurs investigations, en informant les auteurs d'actes graves, et en éliminant les preuves de ces actes ?

III.4. Absence de transparence et de contrôle démocratique

Comme on l'a montré, l'organisme de corégulation a vocation à se substituer à toutes les instances, organismes et autorités de contrôle démocratiquement institués, créant ainsi un régime d'exception au droit commun pour Internet.

Il a même vocation à se substituer aux autorités de police et de justice, en purgeant Internet des contenus jugés « déontologiquement incorrects ». Il va donc dire le droit, ou plutôt dire sa « morale », et l'appliquer à tous sans offrir les garanties minimales de procédure contradictoire et de droit à la défense.

Qui contrôlera l'organisme et ses décisions ? Le gouvernement souhaite que cet organisme soit de droit privé, et indépendant des pouvoirs publics. Il ne semble pas souhaité que cet organisme soit institué par le législateur : quel contrôle démocratique pourra-t-on alors lui imposer ? Quelle transparence de fonctionnement pourra-t-il assurer ? Celle à laquelle voudront bien consentir ses membres.

La question de la représentativité de cet organisme privé se pose alors avec acuité : le Conseil d'État estime que l'organisme de corégulation nécessitera un budget global annuel de 20 millions de Francs, assuré par des subventions publiques, mais aussi par les cotisations des membres de l'organisme, pouvant « varier selon la part de marché de l'intéressé et conditionner les droits de vote » (citation extraite du rapport du Conseil d'État sur Internet et les réseaux numériques). Voilà donc ce que l'on veut mettre en place : un organisme privé, aux pouvoirs énormes, échappant à tout contrôle démocratique, dont le poids des membres est déterminé par leurs parts de marché.

III.5. Impossible représentativité de tous les acteurs

La composition suggérée dans le document d'orientation du gouvernement pour l'organisme de corégulation comprend des représentants des pouvoirs publics, des correspondants des autorités indépendantes (ART, CNIL, CSA), des représentants de groupements professionnels (intermédiaires techniques, sociétés éditrices de contenus, acteurs du commerce électronique, opérateurs de télécommunication, etc.), et des représentants des utilisateurs.

Quelle que soit sa composition, et quelle que soit son organisation (par exemple en collèges de membres), l'organisme de corégulation ne pourra jamais prétendre à la représentativité de tous les acteurs, ni par conséquent à la légitimité de ses décisions. En effet, chaque catégorie d'acteurs restera forcément incomplète : à titre d'exemple, pourquoi la participation des autorités indépendantes ne s'étendrait-elle pas à la COB, au CNC, etc. ?. Par ailleurs, la représentativité de certaines catégories sera usurpée : quel groupement ou association peut prétendre à représenter les utilisateurs, sachant qu'un utilisateur peut être à la fois un consommateur, un administré, un travailleur, un chômeur, un syndiqué, un militant d'une cause ou d'une autre, un étudiant, un parent, ... en un mot un citoyen sous tous ses aspects ?

Il serait illusoire de prétendre à un quelconque paritarisme dans la composition de cet organisme, justement parce qu'il se veut généraliste, contrairement au cas d'organismes aux missions très précises, comme ceux gérés par les partenaires sociaux, où sont clairement identifiés d'une part le patronat et d'autre part les syndicats, ou encore ceux où associations de consommateurs et associations de commerçants traitent uniquement de commerce et de prestation de services.

Finalement, pour qu'un organisme de corégulation soit réellement légitime, il faudrait que ses membres représentent tous les citoyens, dans la diversité de leurs activités et de leurs opinions. À ce jour, la seule assemblée capable de prétendre à cette représentativité et à cette légitimité reste celle élue au suffrage universel, c'est-à-dire l'Assemblée nationale !


IV. Une alternative démocratique à la corégulation existe


Le dispositif exposé dans cette section présente une alternative à la corégulation. Cette alternative, proposée par Iris depuis sa création, est viable, et mérite d'être examinée et éprouvée. Cette alternative est cohérente avec de nombreux aspects de la réforme de la Justice, adoptés par le Parlement. Elle est aussi cohérente avec l'évolution de l'usage d'Internet en France. Elle ne s'oppose en rien aux dispositions de la Directive européenne sur le Commerce électronique en cours de discussion. Elle présente le double avantage de ne rien figer, et de se contenter d'étendre efficacement à Internet des dispositions démocratiquement adoptées et socialement acceptées.

IV.1. Accès au droit par l'information et la médiation

La loi n°98-1163 du 18 décembre 1998 a mis en place ou renforcé plusieurs mesures pour l'accès au droit et la résolution amiable des conflits. Parmi ces mesures, celles concernant les maisons de la justice et du droit (MJD), la résolution amiable de conflits et l'aide à la médiation pénale sont du plus grand intérêt. Ce volet de la réforme de la Justice (http://www.justice.gouv.fr/justicef/journass.htm) n'est curieusement jamais évoqué lorsqu'il est question d'Internet.

Iris préconise l'application de la loi du 18 décembre 1998 aux conflits survenant sur Internet, en particulier par la mise en place de « cyber-MJD », ayant un rôle d'information, de prévention, et de médiation pour la résolution amiable des conflits entre parties privées.

Ces « cyber-MJD » pourraient être des antennes spécialisées dans les conflits survenant sur Internet, au sein d'une MJD implantée localement, ou encore des MJD fonctionnant essentiellement par voie électronique, et spécialisées dans certains types de conflits (noms de domaine, propriété intellectuelle, droit à l'image et à la vie privée, ...). Les deux possibilités ne sont pas exclusives, et peuvent être accompagnées de l'existence d'un site portail officiel d'information juridique pour Internet.

Il importe par dessus tout qu'il existe plusieurs lieux possibles de médiation, et non un centre unique. En effet, la centralisation d'une telle activité (suggérée par exemple pour l'organisme de corégulation) entraînerait forcément une dérive de la médiation vers l'arbitrage, voire vers la décision sans recours. Par ailleurs, l'aspect justice de proximité est renforcé par l'existence de plusieurs centres de médiation. Enfin, il importe que la composition d'une « cyber-MJD » comprenne des acteurs sociaux variés. Iris a mené une expérience de médiation, dont les résultats et l'analyse sont présentés en annexe 1 de ce document.

Ce dispositif pourra être accompagné de l'extension de la médiation pénale à des petits conflits survenant sur Internet. L'étendue du champ de cette extension reste à étudier.

IV.2. Définition précise des responsabilités des acteurs

La grande majorité des affaires jugées et ayant suscité des contestations concerne la condamnation de fournisseurs d'accès, de service ou d'hébergement à Internet, et non celle des véritables auteurs des infractions. En outre, l'organisme de corégulation est justifié par ses défenseurs comme un garant pour ces fournisseurs, puisqu'il leur indiquerait, en quelque sorte, les diligences à accomplir afin de ne pas être tenu pour responsable d'une infraction commise par l'un de leurs abonnés. L'adoption de nouvelles dispositions sur la responsabilité des fournisseurs Internet, lors de la deuxième lecture de la loi sur la liberté de communication par l'Assemblée nationale propose en effet de déresponsabiliser les fournisseurs Internet s'ils procèdent à des « diligences appropriées » lorsqu'ils sont destinataires d'une mise en demeure de la part d'un tiers. Enfin, les dispositions de la Directive européenne en discussion, comme celles relatives à Internet dans la loi sur la liberté de communication, présupposent de fait l'existence d'un tel organisme de corégulation : c'est en effet cet organisme au premier chef qui « informerait dûment » le fournisseur d'une éventuelle infraction.

Il est donc absolument nécessaire de reconnaître aux intermédiaires techniques leur incapacité à juger d'un contenu sur Internet, afin que ce prétexte ne puisse plus être avancé pour justifier la création d'un organisme de corégulation avec tous les dangers qu'il comporte.

Iris préconise le retour aux dispositions sur la responsabilité des fournisseurs d'accès, de service et d'hébergement à Internet adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, et leur adoption définitive en les étendant à la responsabilité pénale.

Cette première version de l'amendement Bloche (adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 27 mai 1999), permet de s'affranchir de cette mission de l'organisme de corégulation. Puisque les fournisseurs ne pourraient être saisis que par l'autorité judiciaire, ils seraient ainsi protégés de fait, de même que les citoyens seraient également protégés de tout abus de la part du fournisseur. En conséquence, les conflits, civils ou pénaux, ne mettraient plus en cause ces tiers que sont les fournisseurs lorsqu'ils se contentent de jouer leur rôle d'intermédiation technique. On trouvera plus de détail dans les communiqués de presse d'Iris relatifs aux différentes étapes d'examen de la loi sur la liberté de communication (http://www.iris.sgdg.org/actions/loi-comm).

Toutefois, il est important de répondre à l'argument légitimement objecté de la difficulté pratique actuelle du recours aux tribunaux dans bien des cas, pour des raisons de coût, de lenteur et de difficulté de la procédure. De plus, il n'est pas souhaitable d'encourager une dérive de notre société vers une « judiciarisation » excessive, comme on peut l'observer aux États-Unis par exemple.

Dans ce contexte, Iris préconise la mise en place de « cyber-greffes » des tribunaux, qui recevraient les plaintes et les orienteraient rapidement (exemple typique : le référé). Les « cyber-greffes » pourront s'articuler avec les « cyber-MJD ».

En effet, au fur et à mesure de l'extension de l'usage d'Internet dans la société, il est probable que la population s'adressera en priorité aux « cyber-MJD », qui pourront éventuellement conseiller le recours à la plainte via le « cyber-greffe », lorsque la médiation est impossible ou que la plainte n'est pas de leur ressort.

IV.3. Gestion d'une ligne d'urgence par la police judiciaire

Au lieu de remettre entre les mains de l'organisme de corégulation les tâches et prérogatives de l'autorité judiciaire, laissons les autorités de police et de justice s'occuper, sur Internet comme ailleurs, des affaires graves de crimes et délits. Et s'il est avéré qu'il faut agir vite sur Internet, surtout dans le cas d'affaires de pédophilie, prenons donc exemple sur la Belgique - qui a pris cette décision après l'affaire Dutroux - et mettons en place une ligne d'urgence directement gérée par la police judiciaire.

Iris préconise donc la mise en place d'une « PJ-hot-line », afin que des cas graves, d'ordre pénal, puissent être signalés, et une enquête diligentée. Il convient de prévoir des sanctions en cas d'abus ou de malveillances, afin que ce dispositif ne favorise pas un climat de délation.

Un tel dispositif permet de répondre à une légitime nécessité, tout en évitant toute dérive vers la constitution d'une police et d'une justice privées.

IV.4. Séparation des pouvoirs et des autorités

Le principe général de séparation des pouvoirs et des autorités risque d'être mis à mal par l'existence d'un organisme de corégulation, où l'on retrouverait pêle-mêle des représentants de l'État, de quelques autorités administratives indépendantes - ayant pouvoir de sanction -, ainsi que des représentants d'associations professionnelles et d'associations de citoyens dans la proportion du pâté d'alouette, tout ce monde s'arrogeant des prérogatives proches de celles de l'autorité judiciaire. Cet organisme ne serait par ailleurs pas contrôlable par le législateur. Enfin, le politique y serait sous la pression des intérêts économiques.

Iris préconise donc de conserver ce principe démocratique de la séparation des pouvoirs et des autorités, en laissant chacun jouer pleinement et démocratiquement son rôle.

IV.5. Discussion et concertation périodiques entre tous

La discussion et la concertation périodiques entre tous les intervenants reste sans doute le seul point consensuel. Toutefois, cette nécessité ne saurait à elle seule légitimer un organisme de corégulation, ni argumenter en sa faveur. Il est en effet bien d'autres possibilités de concertation, comme le montre la démarche suivie, peu ou prou, pour la consultation organisée par le gouvernement sur le document « cadre législatif de la société de l'information ». Un tel fonctionnement est donc possible. Il est souhaitable de le pérenniser. Il est important que les intervenants dans ces consultations ne soient pas « choisis », au gré des groupes de pression. Au contraire, toute contribution ou participation doit être la bienvenue pour enrichir le débat, pour peu que son implication dans la problématique Internet soit avérée. En outre, les acteurs sociaux majeurs tels que les fédérations syndicales ou encore les associations familiales ou de consommateurs doivent participer d'office à ces consultations.

Iris propose la création d'une mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET). Chargée d'organiser la concertation périodique entre tous, cette mission veillerait également à la mise en place de mesures comme celles suggérées ici : cyber-MJD, cyber-greffes, PJ-hot-line, en liaison avec le Parlement et les ministères concernés, ainsi que les acteurs sociaux et économiques.


V. La Mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET)


V.1. Rôle et champ d'action

Le rôle de la mission telle que proposée par Iris est un rôle à la fois consultatif, pédagogique, et d'aide à la mise en place de mesures pour l'accès au droit et à la citoyenneté sur Internet. La mission n'a pas vocation à se substituer aux acteurs politiques, administratifs, économiques ou sociaux. La mission serait chargée de :

- Aider à la mise en place de mesures pour faciliter l'accès au droit et à la citoyenneté sur Internet, et analyser le résultat de ces expériences. Des mesures comme l'implantation de « cyber-MJD » peuvent être mises en oeuvre rapidement, d'autres demandent de légères adaptations de la procédure pénale, grandement facilitées par l'adoption de la loi sur la signature électronique et par la prochaine libéralisation totale de l'usage de la cryptographie. L'accès à la citoyenneté sera facilité par la mise en oeuvre d'une « éducation civique à Internet », notamment au travers de l'enseignement scolaire.

- Participer aux travaux en cours au niveau européen, pour favoriser les méthodes alternatives de résolution de conflits, ainsi qu'aux initiatives visant à favoriser l'éducation de tous à Internet, notamment dans le cadre de l'initiative e-Europe.

- Faire oeuvre de pédagogie auprès du grand public et des acteurs sociaux et économiques, notamment en assurant la publication et la diffusion de documents visant à mieux expliquer les droits et obligations de chacun sur Internet. Une première mesure serait la création d'un portail d'information pour l'accès au droit et à une justice de proximité.

- Organiser la réflexion et la consultation périodiques, sur tous les aspects liés à Internet. Le résultat de cette consultation fait l'objet d'un rapport annuel, et de l'organisation d'Assises annuelles sur les thèmes traités par la mission.

- Apporter ses conseils et ses propositions aux instances législatives et exécutives nationales, européennes et internationales, qui la consulteront sur les questions relevant de son champ d'action.

- Assurer la veille sur l'évolution des usages d'Internet en France et en Europe.

- Étudier les possibilités offertes par Internet pour le développement économique du secteur non marchand et solidaire.

V.2. Composition, durée et fonctionnement

La mission sera présidée de préférence par un(e) député(e), afin que le politique garde la primauté sur l'économique et l'administratif. Sous la direction d'un(e) secrétaire général(e), une équipe restreinte et pluridisciplinaire sera chargée de mener à bien le rôle identifié pour la mission. Les possibilités du réseau Internet seront utilisées au maximum pour le fonctionnement de la mission, assurant ainsi sa transparence et limitant le budget nécessaire. La durée de la mission n'excèdera pas deux années dans un premier temps, afin que le résultat de l'expérience puisse être évalué. La MICADNET travaillera en coordination avec les autres missions interministérielles, comme la mission sur le commerce électronique et la mission sur les nouvelles technologies dans l'administration. Placée auprès du Premier ministre étant donné son champ d'action, la MICADNET sera appelée à collaborer très étroitement avec le ministère de la Justice, le ministère de l'Éducation nationale et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité.


VI. Conclusion


Comme chacun aura pu le constater, la corégulation est loin d'être la panacée, car porteuse de trop de dangers. Elle n'est pas non plus la seule réponse possible à des questions qui, il est vrai, se posent en termes nouveaux. Iris propose dans ce document des mesures pratiques qui, ajoutées aux mesures proposées dans son rapport intitulé « 85 recommandations pour un Internet démocratique en l'an 2000 », permettront un meilleur accès au droit et à la citoyenneté sur Internet.

Malgré les dénégations lues ici ou là, la corégulation, si elle était adoptée en France, serait un pas de plus vers une société de marché, dans laquelle l'État se désengage de plus en plus au profit du secteur privé, et dans laquelle le politique est dépossédé de ses droits au profit de l'économique et du financier.

La corégulation serait encore plus dangereuse que l'autorégulation, car elle serait légitimée par les pouvoirs publics. Elle constituerait, en quelque sorte, la Sainte-Alliance de l'administration et des lobbies économiques. Une société démocratique, surtout lorsqu'elle se veut solidaire, ne peut l'accepter.

Dans son rapport d'étape (http://www.internet.gouv.fr/francais/textesref/pagsi2/lsi/document_etape.htm), le député Christian Paul présente, parmi les différents scénarios possibles, celui de la « régulation par la loi et par les diverses autres formes de réglementation étatique », en le reconnaissant comme le cadre normal de la démocratie. C'est également notre point de vue. La seule réserve retenue par le député est que « cette forme de régulation est nécessairement lente et lourde, et la qualité d'appréhension, par les élus, des problèmes liés à l'Internet peut ne pas toujours être optimale. ». Nous en convenons bien volontiers, et nous proposons ici le moyen d'y remédier, sans pour autant porter atteinte au cadre normal de la démocratie et du respect des valeurs républicaines et de solidarité. C'est le sens de notre proposition de création d'une mission interministérielle pour la citoyenneté et l'accès au droit sur Internet (MICADNET).


Annexe 1. Présentation de l'expérience de médiation d'Iris


L'expérience de médiation d'Iris a fait l'objet d'une présentation au cours d'un atelier de travail organisé par le centre de recherche de la DG INFSO de la Commission européenne. L'atelier s'est déroulé le 21 mars 2000 à Bruxelles, et a porté sur les méthodes de résolution alternatives de conflit. On en trouvera tous les détails sur le site http://dsa-isis.jrc.it/ADR, où figurent les copies des présentations invitées. Toutes les présentations ont été faites en Anglais.

A1.1. Overview of the presentation

A1.2. Iris Overview

A1.3. Motivations for Iris Mediation Experiment (1)

A1.4. Motivations for Iris Mediation Experiment (2)

A1.5. Main Features of Iris Mediation Experiment

A1.6. Some Figures of Iris Mediation Experiment (1)

A1.7. Some Figures of Iris Mediation Experiment (2)

A1.8. Analysis of Iris Mediation Experiment

A1.9. Recommendations

A1.10. Conclusion


Annexe 2 : Revue des systèmes de hot-line existants


La plupart des systèmes présentés dans cette annexe sont membres ou partenaires de l'association Inhope (http://www.inhope.org/fra), projet soutenu par la Commission européenne, dont le maître d'oeuvre est la fondation Internet Watch responsable de la ligne d'urgence du Royaume-Uni.

A2.1. Allemagne

En Allemagne, l'association pour l'autorégulation des fournisseurs de service multimédia (FSM) a mis en place en août 1997 une ligne d'urgence (http://www.fsm.de), suite à la législation adoptée en ce sens dans le pays. La FSM ne traite que des contenus présents sur le Web et hébergés en Allemagne, à l'exclusion des autres services Internet comme les forums de discussion. Les contenus traités peuvent concerner des incitations au crime, des contenus pornographiques à caractère pédophile ou non, des contenus racistes ou fascistes, voire des contenus « contrevenant aux règles éthiques de l'édition » (la FSM s'inspire des règles en vigueur pour la presse en Allemagne). Un juriste employé par la FSM examine les requêtes, puis les transmet aux membres de la commission des plaintes de la FSM. Ceux-ci évaluent la gravité du cas et peuvent décider d'adresser une injonction au fournisseur d'hébergement afin qu'il supprime le contenu litigieux, voire une « réprobation formelle » qui devra être publiée par le fournisseur du contenu litigieux ou par son fournisseur d'hébergement. La plainte n'est jamais transmise à la police.

Une autre initiative (http://jugendschutz.net/), se qualifiant de « rapide et non bureaucratique », vise uniquement les contenus pédophiles sur Internet.

Enfin, une association d'intermédiaires techniques (http://www.eco.de) se propose de mettre en place une structure chargée d'examiner et de labelliser les forums de discussion. Les forums seront classés suivant le contenu moyen des articles, en trois catégories : 0 (aucun problème), 1 (potentiellement offensant), 2 (potentiellement illégal). Ce classement sera le résultat d'un contrôle en continu de ces forums. Le classement sera transmis aux intermédiaires techniques membres de l'association, mais jamais à la police. Toutefois, l'association se propose de transmettre à la police certains articles semblant enfreindre la loi. Enfin, les requêtes reçues seront également examinées.

A2.2. Autriche

En Autriche, il existe plusieurs formules de lignes d'urgence, mises en place selon les cas par les intermédiaires techniques ou par les autorités publiques.

La ligne d'urgence mise en oeuvre par l'association des fournisseurs d'accès (http://hotline.ispa.at) traite des contenus pédophiles ou néonazis. La dénonciation peut être effectuée anonymement à l'aide d'un formulaire Web ou par courrier électronique. Elle peut concerner un service Internet quelconque, en particulier les sites Web et les forums de discussion. Le signalement est d'abord examiné par des employés de l'association. S'il concerne bien des contenus à caractère pédophile ou néo-nazi, le fournisseur établi en Autriche et concerné par l'hébergement ou la transmission de ce contenu est prié de « prendre les mesures appropriées ». Le contenu est ensuite transmis aux autorités nationales, et si nécessaire internationales, ou à d'autres lignes d'urgence en Europe. L'association de fournisseurs garantit l'anonymat des personnes signalant des contenus litigieux.

Il existe deux lignes d'urgence mises en place par le ministère de l'Intérieur autrichien, l'une dédiée à la lutte contre les réseaux pédophiles (http://www.bmi.gv.at/Kriminalpolizei/meldeste.html) et l'autre à la lutte contre le racisme et les néo-nazis (http://www.bmi.gv.at/MeldestelleNS/Meldestelle.html). Les plaintes ou signalements peuvent être adressés via Internet, par courrier ou formulaire électronique. Notons que des formulaires sécurisés par PGP sont proposés.

A2.3. Belgique

En Belgique, c'est la police judiciaire qui a mis en place un « point de contact pornographie enfantine sur Internet » (http://www.gpj.be/fr/gpj-f-mk.html), les requêtes étant gérées et traitées par une cellule spécifique de la police judiciaire. Les requêtes peuvent être soumises au moyen d'un formulaire électronique ou d'une adresse de courrier électronique. Il suffit de fournir ses coordonnées et de rapporter une infraction sous forme libre, en fournissant l'URL d'un site Web ou les coordonnées du message paru dans un forum, par exemple.

On notera par ailleurs que le site de la police judiciaire belge présente également une page « Wanted », indiquant des personnes recherchées, décrites par leur photo ou un portrait-robot, ainsi que par des éléments textuels de description. Les personnes décrites sont soit disparues, soit des personnes décédées par mort violente et dont les enquêteurs cherchent à identifier les circonstances du décès, soit des personnes parfois indiquées comme dangereuses et recherchées comme « auteurs présumés » de crimes. Ainsi, sur la même page web, l'amalgame entre victimes, criminels et personnes simplement disparues ouvre la porte à toutes les interprétations. En outre, des personnes sont désignées au public comme présumées coupables...

A2.4. États-Unis

Aux États-Unis, une structure existant depuis 1980 a vu son rôle étendu en mars 1998 à la gestion d'une ligne d'urgence concernant la pédophilie sur Internet (http://www.missingkids.com). Ce service est financé à parité par le ministère de la Justice et par des sociétés commerciales, dont les noms et logos sont dûment présents sur le site, au titre de sponsors. Les requêtes sont classées dans une base de données, accessible aux agences fédérales comme le FBI, les service de douanes et l'inspection des postes (notons que cette particularité est due aux autres fonctions de la structure, notamment de centre ressources pour enfants disparus). La base de photos d'enfants semble accessible au public sur critères de recherche. Les informations sont également expédiées aux autorités de police de l'État concerné lorsque cette action est jugée appropriée.

A2.5. France

En France, l'association des fournisseurs d'accès a mis en place un « point de contact » (http://www.afapc.org), qui se contente d'informer les utilisateurs sur la procédure à suivre pour effectuer une dénonciation auprès d'un fournisseur ou auprès des autorités légales, au choix de l'utilisateur. Le site présente également des pages d'information et de conseil. Si un fournisseur membre de l'AFA est destinataire d'un signalement, il apprécie la plainte au regard des conditions générales fixées par contrat entre le fournisseur et ses utilisateurs, ce qui pose la question du contenu de ces contrats. Dans certains cas, le fournisseur s'autorise à supprimer un contenu, voire à résilier l'abonnement de son client.

A2.6. Irlande

L'expérience irlandaise (http://www.hotline.ie) est toute récente (29 novembre 1999). Mise en place et financée par les fournisseurs Internet irlandais, son action est limitée aux contenus pédophiles, et permet d'enjoindre le fournisseur d'hébergement de supprimer un contenu pédophile signalé. Dans certaines circonstances (non précisées) - et seulement dans certaines circonstances -, le cas est transmis à la police. La personne signalant un site Web ou un message paru dans un forum de discussion peut rester anonyme si elle le désire, ses coordonnées n'étant nécessaire que pour la tenir informée des suites du signalement qu'elle a effectuée.

A2.7. Norvège

En Norvège (http://childhouse.uio.no/redd_barna/), une ligne d'urgence a été mise en place fin 1996 par l'association « Save the Children Norway ». Son rôle se limite à collecter les plaintes, et, lorsque le contenu signalé est estimé comme potentiellement illégal, à transmettre l'information recueillie à la police, tout en informant l'auteur de la plainte de cette transmission. Les plaintes doivent exclusivement concerner l'exploitation sexuelle des mineurs.

A2.8. Pays-Bas

Aux Pays-Bas, une structure existe depuis juin 1996 pour gérer une ligne d'urgence permettant de signaler l'existence d'images pédophiles circulant sur Internet (http://www.meldpunt.org). En cas de plainte, la procédure suivie consiste à informer le fournisseur du contenu concerné, pour l'enjoindre de le supprimer. Si l'auteur ne s'exécute pas, alors - et seulement alors -, la police en est informée pour éventuelle action vis-à-vis du fournisseur de contenu. Les cas traités concernent uniquement des contenus apparaissant sur des sites Web hébergés aux Pays-Bas, ou messages de forums de discussion émis par l'intermédiaire de fournisseurs établis dans le pays.

Une autre ligne d'urgence a été mise en place plus récemment pour les cas de contenus racistes sur Internet (http://www.meldpunt.nu). Elle fonctionne suivant la même procédure que la ligne d'urgence pour les contenus pédophiles. On notera toutefois que, s'il est parfois évident de décider qu'une image représente bien la photographie d'un abus sexuel sur mineur, il est bien plus difficile de déterminer si un contenu est raciste, dès lors que l'on est dans le domaine de l'expression, et sachant que la procédure n'est pas contradictoire.

A2.9. Royaume-Uni

C'est au Royaume-Uni, en octobre 1996, qu'a été mise en place une structure (http://www.iwf.org.uk) qui se rapproche le plus de l'organisme de corégulation visé par le gouvernement français, puisqu'elle associe intermédiaires techniques, différents ministères, et services de police. Son rôle est de recevoir et traiter les dénonciations de tous contenus potentiellement illégaux, ainsi que de mettre en place un système de labellisation des contenus. La structure se proclame indépendante, mais tout généreux donateur d'une somme fixée se voit attribuer un siège et le droit de vote au sein de son conseil d'administration. La structure comprend en outre un conseil d'orientation qui définit sa politique, dont chaque membre a droit de veto. Le traitement des requêtes vise à enjoindre l'intermédiaire technique de supprimer le contenu incriminé, et à transmettre le cas à la police.

À la différence de la ligne d'urgence des Pays-Bas, c'est bien l'intermédiaire technique, et non le fournisseur de contenu, qui doit supprimer le contenu indiqué par la ligne d'urgence du Royaume-Uni, sous peine d'avoir lui-même des ennuis avec la police. Cette structure entend avoir dans le futur une action plus volontaire : on pense à un contrôle plus généralisé des contenus et à l'autosaisine.