Première partie : analyse d'ensemble

1. LSI ou loi portant « diverses mesures d'ordre électronique » ?

Loin d'être la « grande loi sur la société de l'information » annoncée, la LSI comprend un ensemble de mesures, qui se propose de modifier pas moins de sept lois et autant de codes, sans parler des textes réglementaires. Certaines des mesures sont d'ailleurs plutôt hors de propos dans ce texte, c'est pourquoi Iris ne les commente pas. De très nombreux articles ne sont intelligibles qu'après examen de plusieurs textes déjà existants.

Ce travail réalisé, un flou important demeure, d'autant moins acceptable qu'il concerne des questions de protection des libertés individuelles et des libertés publiques. Ainsi, la terminologie adoptée n'est pas toujours définie : qu'est-ce qu'une « donnée technique », ou encore une « donnée à caractère personnel » ? Cela reste à définir précisément dans le texte de loi. De même, le terme de « cryptologie » reste utilisé, à tort, en lieu et place des termes « cryptographie » ou « chiffrement ». Nous revenons plus en détail sur ces problèmes dans la deuxième partie du document.

Ces remarques ne sont pas anodines : tout au long des 61 articles de l'avant-projet de loi, cette inintelligibilité du texte cache d'importantes régressions sur le plan de la démocratie et des libertés, comme sur le plan des services publics. Nous en détaillons les éléments dans la deuxième partie du document, pour chaque article concerné. Sur un plan plus global, le nombre de renvoi à des décrets administratifs est proprement incroyable : pas moins de 20 articles sur 61 renvoient à de tels décrets. Il s'agit dans bien des cas d'articles ayant des conséquences importantes sur les libertés publiques. Cela nécessite donc que la loi précise explicitement les exceptions prévues au principe constitutionnel de liberté, comme le rappelle la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, concernant notamment le respect de l'article 34 de la Constitution. Le gouvernement semble en faire peu de cas, de même qu'il semble considérer le Parlement comme une simple chambre d'enregistrement de ses décisions.

Plutôt qu'une quelconque loi portant « diverses mesures d'ordre électronique », Iris revendique que le texte de l'avant-projet de loi donne lieu à plusieurs textes spécifiques, dont le plus important devrait être une « loi sur la liberté de communication en ligne », au même titre que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication audiovisuelle. Ce n'est qu'à travers une telle décision que l'article 10 de l'avant-projet, disposant que « la communication en ligne est libre », fera sens. Iris attend encore que le gouvernement manifeste une telle volonté politique, qui serait véritablement progressiste.

2. D'importantes questions non encore traitées

Cet avant-projet de loi, qui pourtant traite de nombreux domaines, reste complètement silencieux sur des questions importantes, dont certaines ont déjà commencé à faire débat.

Ainsi, le texte ne comporte pas un seul mot sur l'utilisation des réseaux électroniques sur le lieu de travail : ni le problème de la surveillance des salariés, ni celui de leurs conditions de travail, notamment leur contrôle au moyens d'outils logiciels, ne sont abordés. L'utilisation du courrier électronique sur le lieu de travail n'est pas non plus mentionnée. De la même façon, l'adaptation des libertés syndicales à l'usage des réseaux n'a pas retenu l'attention du gouvernement. Iris estime nécessaire de légiférer sur ces questions, et réitère ses propositions émises lors de la consultation organisée par le gouvernement préalablement à l'élaboration de cet avant-projet de loi (cf. rapport Iris « 85 recommandations pour un Internet démocratique en l'an 2000 », novembre 1999).

Par ailleurs, la question de la prescription des infractions prévues dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n'est toujours pas résolue, lorsque ces infractions sont commises dans le cadre d'une communication en ligne. Iris reconnaît la complexité du problème, puisque la communication en ligne affecte de toute évidence l'équilibre subtil auquel la loi sur la liberté de la presse parvient. La question de la prescription demande donc une analyse approfondie, prenant en compte toutes les dimensions du problème (notamment le cas des archives), afin de parvenir à un équilibre mieux adapté à la situation de communication en ligne. Iris fera, dans un autre cadre, des propositions à ce sujet.

Les questions liées au droit d'auteur ne sont pas non plus traitées dans cet avant-projet de loi. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique se chargera de faire des propositions à ce sujet. Rappelons que cet organisme vient d'être installé par le gouvernement, deux ans et demi après que le député Patrick Bloche en a fait la proposition et un an après sa création.

De nombreuses autres questions demeurent en suspens, comme par exemple le statut du lien hypertexte ou celui des moteurs de recherche et annuaires, pour n'en citer que quelques unes. Une seule loi ne peut les traiter toutes, à l'évidence, d'autant qu'elles n'ont pas forcément toutes atteint le même degré de maturité, ni d'urgence. À la différence des questions liées au droit d'auteur, qui bénéficient d'une structure de réflexion et de proposition dont la création répond à un encadrement réglementaire, les autres questions mentionnées devront donc continuer à faire l'objet du débat public. Iris veillera à ce que ce débat ne soit pas capturé par des structures privées dénuées de toute légitimité, telles que le « forum des droits de l'Internet ». Iris rappelle son refus de siéger au conseil d'administration de cette association prétendant à la représentation de tous les citoyens, et dont l'objectif est la dilution de la loi dans la convention privée sous couvert de « corégulation ».

3. Aspects les plus importants commentés par Iris

Si quasiment l'intégralité des 61 articles de l'avant-projet de loi fait l'objet d'analyses et propositions de modification par Iris dans la deuxième partie de ce document, deux tiers d'entre eux ont plus particulièrement retenu l'attention de l'association. Il s'agit de thèmes sur lesquels Iris a toujours été et restera spécialement vigilante. Ils concernent les questions suivantes :

- L'accès au réseau et les services publics (articles 1er, 2, 20 et 30)
- Les droits et devoirs de chacun dans la communication en ligne (articles 9 à 13 )
- La responsabilité des intermédiaires techniques (articles 14 à 16)
- La protection de la confidentialité, de la vie privée et des données personnelles (articles 17, 24 et 26)
- La protection du consommateur (article 22)
- La lutte contre la cybercriminalité (articles 36 à 40)
- La libéralisation de la cryptographie (article 42)
- Les obligations des prestataires de moyens de cryptographie (articles 43 et 44)
- Les « écoutes électroniques » et le déchiffrement des données (articles 47 à 56)

Préambule

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Deuxième partie

 

Mai 2001 - webmestre@iris.sgdg.org